BD de Sylvain Runberg et Miki Montllo
Delcourt (2022), 123p., one shot. Collection « Les futurs de Liu Cixin » #4.
Merci aux éditions Delcourt pour leur fidélité.
Hua Tang est un assassin. Le meilleur. Lorsque les plus riches magnats de la planète font appel à lui pour éliminer trois personnes il s’interroge. Pourquoi d’aussi puissants personnages veulent-ils effacer d’insignifiants inconnus? Alors qu’un Premier contact a lieu, entraînant des bouleversements de l’ordre social, Hua va devoir interroger son passé et sa morale pour déterminer ses prochains actes…
Runberg et Montllo nous avaient enchanté sur la superbe saga Warship Jolly Rogers, où l’espagnol proposait un étonnant travail numérique issu de l’Animation. Toujours dans la SF mais dans un style beaucoup plus classique, ils décrivent ici à la suite de Liu Cixin le dilemme d’un tueur élevé dans la crainte du parrain et la violence de sa condition dès l’enfance. Alors que très loin dans le cosmos une révolte survient au sein d’ouvriers opprimés, nous allons suivre l’itinéraire d’un enfant-tueur plongé dans le monde du crime, des trafics et des mendiants dès son plus jeune âge. Le schéma est connu et le cœur devra être bien accroché à suivre les méthodes barbares du mafieux Dent et sa scie qu’il ne quitte jamais.
On retrouve dans Nourrir l’humanité une problématique écologique et sociale (comment cohabiter à plusieurs milliards sur une même planète tout en résolvant les injustices les plus criantes) et la structure classique de l’écrivain en juxtaposant une trame space-opera avec un quotidien trivial de notre époque. Comme sur Les trois lois du monde, l’auteur nous fait suivre l’évasion d’un peuple parti loin dans l’espace à la recherche d’une solution à son problème en même temps que la dureté de la vie sur terre pour les gens de peu. On troque l’instituteur pour l’assassin mais les deux se retrouvent sur le refus des injustices et le sacrifice pour le bien commun.
Comme sur le précédent Cixin nous présente les problématiques de surpopulation, de sacrifice juste pour le grand nombre et de l’inéluctabilité du rôle social… sans que l’on entende une critique. Conscients ou non du problème Runberg et Montllo se contentent d’une illustration certes efficace dans son aspect action (on aime toujours les lone-soldiers stylés et leur vengeance légitime contre les pires ordures que peut porter la Terre!) mais qui aurait pu proposer une variation critique. On ne peut cependant complètement rejeter la thèse de l’écrivain qui apporte une véritable problématique que l’on pourra prendre comme cynique. Reste que le système n’est jamais combattu et les hommes restent soumis à l’ordre social légal sans jamais vraiment s’en extraire… Une lecture en forme de beau polar social mâtiné de SF et solidement réalisé. Pas révolutionnaire mais intéressant pour qui veut lire à la fois une création du pape de la SF et une vision non occidentale de problématiques universelles.