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Ludwig Van Beethoven, le parcours d’un génie.

Le Docu BD

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Manga de Akira Hirano, Yuki Kamatani et Ruia Shimakage.
Kurokawa (2022), 160p., nb & couleur, one-shot. Inclut un dossier documentaire.

Comme pour tous les volumes de la collection, l’édition est très riche (orientée scolaire), esthétique, pédagogique.

bsic journalismMerci aux éditions Kurokawa pour leur confiance!

L’excellente collection Kurosavoir revient pour un nouveau documentaire en manga. La sous-série biographique a réhaussé fortement la qualité de la collection avec un niveau d’exigence graphique et documentaire très intéressant, faisant de chaque nouvelle sortie une attente réelle. Malheureusement cet Ludwig Van Beethoven, manga chez Kurokawa de Hirano, Kamataniopus sur Beethoven n’atteint pas la qualité des dernières parutions du fait d’une sans doute trop grande technicité et plus simplement d’un manque d’intérêt de ce personnage. La notoriété de l’œuvre ne rend pas nécessairement le personnage passionnant et c’est ce que l’on ressent à la lecture de ce manga. Après les destins romantiques incroyables des Cléopâtre, Elisabeth 1ere ou Marie-Antoinette, l’histoire de ce jeune provincial précocement atteint de surdité  accroche bien peu le lecteur. Oubliant de contextualiser et parlant trop de technique musicale au risque de perdre les béotiens en musicologie, les auteurs rendent cette histoire assez banale faute de disposer de la playlist adaptée pour écouter en cours de lecture toutes les pièces du compositeur citées dans le manga.

On retiendra néanmoins (une découverte pour moi!) la rencontre avec Mozart, son ainé et au faîte de sa gloire lorsqu’il voit en Beethoven un jeune homme de talent. C’est sans doute le principal intérêt de ce manga documentaire qui réussit au final assez peu comme manga et comme documentaire. A réserver aux musiciens et aux fans.

A partie de 13 ans.

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Jusqu’à Raqqa – Un combattant français avec les Kurdes contre Daesh.

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BD de André Hébert et Nicolas Otero

Delcourt (2023), 120p., one-shot.

image-5Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

Celui qui se fait appeler André Hébert quitte la France en 2017 pour le Kurdistan Syrien (ce qu’on appelle le Rojava) afin de rejoindre les brigades internationales, assistant les combattants kurdes dans leur lutte contre la terreur du « Califat ». Là-bas il découvre une utopie politique qui dépasse de loin la seule défense de la liberté face à la barbarie djihadiste…

Serie Jusqu'à Raqqa : Un Combattant Français avec les Kurdes contre Daech  [BULLES EN VRAC, une librairie du réseau Canal BD]Impliqué depuis sa première série sur des sujets très politiques, Nicolas Otero s’est résolument orienté vers la BD documentaire depuis 2018 et son formidable Morts par la France. L’an dernier il proposait une enquête au scalpel sur l’itinéraire des tueurs du 13 novembre 2015 en évoluant son dessin vers une technique de photos retouchées. Il adapte cette fois le livre autobiographique d’André Hébert (c’est un pseudonyme) dans un style hybride entre le dessin et la retouche hyper-réaliste. Alors que ce type de dessins brouillent les pistes entre la réalité et la fiction au risque d’un effet figé constaté dans les albums hyper-réalistes, Otero réussit le pari de proposer un véritable album de BD dans une synthèse remarquable entre le reportage et le récit graphique.

De la libération sanglante de Raqqa on en a eu des échos pendant quelques jours dans les médias, à une époque lointaine ou la menace djihadiste qui pesait sur notre civilisation poussait l’européen à s’intéresser à l’abominable guerre civile qui se déroule toujours en Syrie. On a déjà tracé des parallèles entre la Guerre d’Espagne comme répétition générale à la Seconde guerre mondiale et ce conflit moyen-oriental qui regroupe les marqueurs communs: une puissance russe utilisant ce conflit comme terrain de jeu avec comme perspective le conflit ukrainien actuel, un cynisme occidental qui regarde mourir les combattants de la liberté à ses portes, un afflux de combattants internationaux venus défendre une idée de la liberté et de la démocratie sur cette terre aride… C’est dans cette optique que Hébert, élevé dans une culture marxiste, décide de quitter ses proches un beau jour pour se rendre au Rojava. Sur deux séjours entrecoupés d’une arrestation et d’une surveillance renforcée de la part des services de Renseignement français qui voient d’un mauvais œil ces profiles de loups solitaires qui peuvent aussi bien être de vrais démocrates comme des djihadistes infiltrés, il devient un soldat d’une zone de guerre civile, vivant la dureté de la vie de bivouac, la faim, la peur, l’adrénaline des combats… mais surtout la fraternité.

https://www.bdgest.com/prepages/Planches/3664_P10.jpg?v=1671316810Car c’est la principale qualité de cette BD que de nous rappeler que loin du formatage médiatique autour d’un monde monolithique sur une vision très américaine existe une multitude expériences entre-deux qui donnent des leçons à notre modèle de République laïque universaliste. Le problème Kurde est ancien et pour une fois pas complètement la faute du partage des Empires après la première guerre mondiale. Si certains territoires disputés par des nationalismes peuvent prêter à discussion, l’intégrité ethnique, religieuse, politique et même géographique du Kurdistan justifie entièrement l’existence d’une Nation, que le délitement irakien et syrien auraient pu officialiser. Malheureusement le soutien russe à la guerre civile syrienne mais surtout indéfectible soutien américain au terrible pouvoir turc qui n’a jamais accepté l’existence d’un autre peuple sur une partie de son territoire obère l’existence de cet Etat. Et pas seulement pour des raisons religieuses.

Car on l’oublie mais l’entité kurde est historiquement acquise à des valeurs rarement hissées si haut hors d’Occident: l’égalité hommes-femmes, la démocratie directe, la laïcité… C’est cela qui bouleverse Hébert lors de ses séjours et renforce l’injustice d’un Etat français dont la realpolitik préserve les alliances diplomatiques au risque de sacrifier un (rare) allié de valeurs évident au Moyen-Orient. Avec le positionnement stratégique majeur, il est même étonnant que ce Kurdistan ne soit pas plus courtisé par les grandes puissances.

A la fois récit d’une époque courte mais majeure, chronique personnelle et tableau de terrain d’une guerre sale comme toutes les autres, Jusqu’à Raqqa est passionnant de bout en bout et donne envie de se documenter plus avant sur ces années de bouleversements majeurs au Moyen-Orient et sur l’histoire d’un peuple si loin et si proche.

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Jim Thorpe

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BD de Kevin Lecathelinais, Georges Chapelle et Mélissa Faidherbe (coul.)

Delcourt (2022), 104p, one-shot. Cahier documentaire de 9 pages en fin d’album.

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bsic journalismMerci aux  éditions Delcourt  pour leur confiance.

CaptureCertains destins sont bigger than life et au même titre qu’un Mohamed Ali ou qu’un Bobby Fisher on peut dire que celle de Jim Thorpe était faite pour être racontée tant on a du mal au travers de tous ces évènements véridiques à accepter qu’ils ne sont pas sortis de l’imagination du scénariste. Car il y a tout, dans cet album qui relate (assez) fidèlement la vie et la personnalité de celui qui a été désigné « plus grand athlète américain du XX° siècle » devant Jesse Owens, Mohamed Ali ou Michael Jordan. Né indien avec des origines irlandaises et françaises, Thorpe, Thorpe subit la politique d’assimilation forcée déployée à la fin du XIX° siècle par le gouvernement au sein de pensionnats pour amérindiens, dans la bonne tradition du nettoyage ethnique et sur la base de la devise « Tuer l’indien pour sauver l’homme ».

Perdant tour à tour son jumeau, sa mère puis son père, cette forte tête fière de ses origines est rapidement repérée pour ses capacités physiques hors du commun et entame tôt une carrière sportive dont la polyvalence justifie à elle-seule l’exception de son histoire: battant par hasard et sans entraînement le record de saut en hauteur de son Ecole, il remporte tous les trophées universitaires en Baseball, Athlétisme et Football américain. Dans les premières années du sport national US il constitue l’ossature de l’équipe Carlisle et battra les cadors de l’équipe militaire de l’Académie West Point lors d’un match auquel participa le futur généralissime et président Dwight Eisenhower. Opprimé par une Ecole fondé par des militaires héritiers de Custer, cette revanche d’un indien sur l’élite de l’armée génocidaire sera remarquée.

Son coach rechignant pourtant à le faire participer au sport des blancs le summum de sa carrière se fera pourtant en athlétisme où il remportera les médailles d’or du Décathlon et du Pentathlon aux Jeux Olympiques de 1912 en Suède. Suite à une polémique sans doute raciste sur sur statut amateur lors des JO il se verra retirer ses médailles qui ne lui seront rendues qu’à titre posthume en 2022… Après une carrière professionnelle en Baseball et Football (dont il deviendra le premier Président de la NFL, l’actuelle ligue professionnelle), la grande Dépression le voit sombrer dans la misère et il meurt seul à l’aube des années cinquante.Jim Thorpe - Le mot de l'auteur | Editions Delcourt

On en oublierait presque de parler de la formidable BD qui raconte tout cela. Avec un storyboard particulièrement efficace misant sur l’action et le mouvement permanent que semblait incarner Thorpe, le trio graphique propose de très belles planches où la détermination et la bonhommie du héros transparaît à chaque page. Très équilibré, l’album parvient à parler de tout (de l’enfance avec son frère et son père via des flashback, de l’Ecole Carlisle, des performances athlétiques jusqu’au début de sa carrière pro) sans pause et en rendant cette aventure humaine passionnante. Une nouvelle remarquable réussite dans la décidément très qualitative collection Coup de tête (abordant des sujets Sport et Histoire) de Delcourt.

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Bill Finger, dans l’ombre du mythe.

Le Docu du Week-End

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Roman graphique de Julian Voloj et Erez Zadok
Urban (2022), 184 pages, one shot.

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Merci aux éditions Urban pour leur confiance

Il y a trois ans le scénariste Julian Voloj proposait une très intéressante biographie de Joe Shuster, co-créateur de Superman reconnu sur le tard et désormais légalement annoncé sur chaque album de Superman. Dans ce passionnant ouvrage on découvrait notamment un système éditorial où de jeunes auteurs se soumettaient naïvement en cédant l’intégralité des droits de leurs personnages, habitude ancrée pendant longtemps et pratique qui fut mise à mal lorsque les comics devinrent un phénomène de masse. On y croisait Bob Kane, créateur de Batman qui semblait déjà très accroché à ses intérêts financiers…

https://www.avoir-alire.com/local/cache-vignettes/L672xH924/18_bill_finger_00-2-09ae8.jpg?1655299307Alors que Joe Shuster et Jerry Siegel gagnèrent leur crédit sur les albums de Superman en 1978 après des procès et un effet certain des films de Richard Donner, l’histoire est toute autre pour Bill Finger, le scénariste de Bob Kane qui ne fut crédité qu’à titre posthume en 2015 après une campagne de sa petite-fille et le militantisme du biographe Marc Nobleman dont l’enquête a fortement inspiré cet album. Le parallèle entre les deux albums écrits par Julian Voloj est très intéressant en permettant de comparer les similitudes et les différences entre les histoires de deux scénaristes restés dans l’ombre de leur personnage des décennies durant.

Si ses homologues de Superman se sont débrouillé seuls pour contester la première cession de leurs droits faits alors qu’ils étaient très jeunes, Bill Finger fut un auteur renfermé qui ne sut jamais revendiquer ses droits et dont abusa Bob Kane qui utilisa des nègres toute sa carrière durant. L’album ne dit pas clairement que le dessinateur écarta cyniquement ses collègues, expliquant qu’il était très doué pour négocier les contrats et que sa mise en avant permit à ses collaborateurs de vivre décemment. Décemment mais anonymement. Il s’agit donc ici d’une histoire d’honneur plus que d’argent.

Bill Finger : dans l'ombre du mythe. Une reconnaissance tardive. -  Superpouvoir.comL’autre intérêt de l’album repose dans sa forme qui suit une enquête à double période (la chronologie de Bill Finger et l’enquête de nos jours par Nobleman), avec une mise en abyme du biographe vis à vis du personnage de Batman. Les lignes se croisent ainsi et l’ouvrage revêt une forme de thriller très originale. Si graphiquement les planches d’Erez Zadok sont très agréables, elles restent artistiquement parlant moins puissantes que le travail de Thomas Campi sur Joe Shuster.

Si on pouvait craindre la réutilisation d’une recette qui marche, ce volume est un petit miracle qui permet de créer un diptyque cohérent et très différent. La lecture des deux albums est vivement conseillée pour tous ceux qui aiment les comics en permettant de découvrir les coulisses de la création et le statut des auteurs, sujet toujours très prégnant.

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Joe la pirate

La BD!
BD de Hubert et Virginie Augustin
Glénat (2021), 210p., n&b, One-shot.

Très bel ouvrage doté d’une maquette absolument art-déco, d’un signet-ruban, d’un épilogue en forme de post-face et d’une bio rapide des personnages apparaissant dans l’histoire.

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bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Née en 1900, Marion Barbara Carstairs a parcouru le XX° siècle dans une furie de bonne humeur, de provocations et de liberté permise par sa fortune. Homosexuelle, roitelette d’une île des Bahamas où elle fit régner une loi sans partage aussi progressiste qu’autoritaire, championne de vitesse sur eau, croqueuse de femmes elle fut l’amante de Marlene Dietrich et rencontra le roi Edouard VIII… Une vie inouïe comme un reflet de la liberté des années folles et de la vie dissolue des héritiers d’une Amérique triomphante!

Joe la Pirate - BD, informations, cotesIl est toujours étrange de voir la notoriété d’un auteur augmenter juste après sa mort… Hubert est disparu en début d’année dernière et ses deux albums posthumes sont (seront) sans doute les plus réputés. N’ayant pas lu Peau d’homme je retrouve sur ce Joe la pirate beaucoup d’éléments de la saga des Ogres-dieux. De très belles qualités sur les relations humaines et la création de personnages, d’autres éléments qui me chagrinent plus. Tout ça pour dire que je ne suis pas un groupie d’Hubert… a l’inverse de Virginie Augustin, trop rare et qui montre une nouvelle fois sur cet album la diversité de sa compétence et sa force évocatrice. Dans un style épuré très proche de la BD classique des premiers Spirou et des premiers comics-strip elle parvient à exprimer magnifiquement en quelques traits et de superbes encrages sur une histoire qui demande beaucoup au dessin. Découpé comme des successions de séquences parfois presque au format strip justement, l’album place Joe au centre de toutes les cases. Avec son sourire permanent et sa trogne de cartoon, on pourrait avoir un risque de visages à la tintin. Pourtant il suffit de jeter un œil aux photos de Marion Barbara Carstairs pour réaliser combien la dessinatrice arrive à reproduire l’esprit de cette vie rêvée, jamais tout à fait mensongère, toujours un peu fantasmée. Sur les quelques planches colorisées on s’interroge sur le choix du noir et blanc. Economie sur un gros album de deux-cent pages ou véritable choix de s’insérer dans un univers graphique des années 1920? Probablement un peu des deux…BD, "Joe la pirate" de Virginie Augustin et Hubert, portrait de Barbara  Carstairs, femme libre des années 1920

Car la grande force de ce bel album est son sujet, cette incroyable personnalité qui fascine ses auteurs et marque indéniablement par sa liberté absolue, tant morale que dans ses « aventures ». On ne peut qu’être surpris qu’aucun film n’ait été tourné sur Joe, qui aurait souhaité se voir incarnée par Katharine Hepburn et savait absolument se mettre en scène. De telles vies ne semblent exister qu’en romans, et pourtant! On ne se lasse (presque) pas de voir les coups d’éclat, les innocences de Joe et sa bonne humeur communicative. On ne sait si les auteurs ont volontairement posé quelques points critiques quand au statut d’héritière millionnaire de Joe, l’argent permettant effectivement une grande liberté mais n’empêchant pas une certains Joe la pirate de Hubert, Virginie Augustin - BDfugue.comimmaturité dans une vision tout à fait coloniale du sous-développement… Néanmoins tous les millionnaires du XX° siècles n’ont pas eu cette vie et on ne peut qu’être admiratif devant cette féministe par l’action qui a toujours voulu enfoncer tous les blocages de son époque.

Les limites de l’album reposent surtout dans une construction qui semble finalement sans propos, une illustration biographique structurée en chapitres vaguement thématiques. Si la vie de Joe est marquée par quelques jalons (la Guerre, l’aménagement de l’île,…), on se perd par moment dans la redondance des conquêtes, des coups de gueule, et l’on a l’impression de voir un agencement de séquences strip qui forment au final un tout cohérent. C’est peut-être l’objectif des auteurs mais cela affaiblit selon moi un peu le projet d’ensemble en oubliant de poser un regard d’auteurs sur cette figure ô combien charismatique. Du coup, malgré l’habillage du livre, la qualité des dessins et le sujet central du livre on rate de peu le coup de cœur des cinq Calvin.

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Che, une vie révolutionnaire.

Le Docu du Week-End

BD Jon Lee Anderson et José Hernandez
Librairie Vuibert (2020), 439p., one-shot.

bsic journalismMerci aux Librairie Vuibert pour cette découverte.

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Les figures mythiques des luttes du XX° siècle ne sont pas si nombreuses. Aux côtés des combattants des droits civiques et des militants de la non violence, Ernesto « Che » Guevara est à ranger dans la catégorie des révolutionnaires tout ce qu’il y a de plus classiques: issu de la bourgeoisie argentine il est conquis aux principes du combat anti-impérialiste pan-américain dans une époque où la CIA continue la politique du Big stick dans son pré-carré de l’Amérique latine. Avec des dictatures très accommodantes avec le grand capital états-unien, le grand voyage à moto à travers le continent que Guevara fait pendant ses études de médecine le convainc d’une chose: il convient de mener des politiques d’émancipation déterminées et une résistance militaire s’il le faut. Ce contexte n’est pas relaté par le journaliste Jon Lee Anderson qui vise dans cette adaptation illustrée de sa biographie du Che à nous faire entrer dans la psyché du personnage au travers de toute une série de lettres à sa famille, à ses amis (dont Fidel Castro) ou de discours. Ce portrait passionnant est celui d’un romantique qui a placé ses idéaux avant toute autres considération, pour la vie humaine, pour la famille, pour ses proches ou pour lui-même. C’est en cela que Che Guevara apparaît dans cette galerie de héros de la libération des peuples comme sans doute le plus fascinant car le plus héroïque, comme un véritable personnage de fiction dont l’idéalisme fut sans doute inadapté à une époque dure, injuste, violente et immorale.

Jon Lee Anderson est une pointure du journalisme, reporter dans de nombreux pays d’Amérique latine pour les plus prestigieux journaux américains il s’est spécialisé dans les biographies de figures du marxisme, dont l’ouvrage de référence sur le Che, paru en 1997 et qui est adapté ici par son auteur avec son collègue mexicain, dessinateur de presse. Il faudrait lire le livre pour pouvoir le comparer à son adaptation. Le parti-pris de l’auteur est ici d’adopter une approche très neutre, s’extrayant des débats sur cette figure controversée de Guevara (de par les reconstructions historiques que le mythe mondial a produit comme par les actions radicales prises lors de la guérilla qui mena au renversement de la dictature cubaine).

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On aborde l’ouvrage avec le jeune Ernesto tout jeune et brillant diplômé de médecine qui part pour le Guatemala où le président socialiste démocratiquement élu est renversé par un coup d’Etat soutenu par la CIA. Cet évènement est présenté comme une bascule politique dans l’esprit de cet homme déjà hautement déterminé. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour être conquis par le très charismatique Fidel Castro et embarqué avec « douze hommes » vers l’île de Cuba. Anderson ne commente pas particulièrement les propos et actions du Che hormis par des notes de bas de page permettant de resituer la vérité, comme le fait que les « barbudos » débarquèrent plutôt à soixante, faisant comprendre que Guevara a très tôt saisi le rôle de la légende (mieux vaut être douze apôtres que soixante types en treillis…) pour parvenir à renverser des systèmes!

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Les évènements historiques connus sont traités assez rapidement comme des passages obligés (la crise des missiles,…) mais l’on sent que les auteurs s’intéressent plus aux réflexions, cheminement intérieur de l’homme plutôt qu’à la Geste déjà bien documentée. Une des grandes découvertes pour moi aura été les relations de Guevara avec ses deux femmes et ses enfants issus de deux relations. Là encore, si Anderson ne commente pas son attitude pour le moins distante, il fait insinue que le révolutionnaire n’a jamais cherché une relation matrimoniale. Sa détermination pour la révolution placée au-dessus de tout le reste justifierait le fait que ces enfants lui aient été imposés et José Hernandez ne nous montre pratiquement aucune séquence en famille.

Le dessinateur mexicain propose dans cette somme très volumineuse dont la lenteur participe à la compréhension du personnage des planches impressionnantes de réalisme et qualités graphiques. Dans un style assez figé (comme tous les dessinateurs hyper-réalistes) on sent les heures passées à analyser le faciès de l’argentin, de son visage enfantin à ses différents et saisissants maquillages utilisés lors de ses pérégrinations entre Afrique et Bolivie pour échapper à ses adversaires. Répondant à un scénario faisant la part belle à l’épistolaire et aux documents d’époque il propose un portrait de presque cinq-cent pages, presque une psychanalyse graphique d’un idéaliste qui a donné littéralement son existence à une cause à laquelle bien peu croyaient.

Moins médiatisée que l’autre monumental documentaire sur la Bombe paru cette année, Che, une vie révolutionnaire est un magnifique pavé graphique qui exige du temps mais est l’occasion idéale pour pénétrer au cœur du mythe et comprendre ce qu’était et ce qui mouvait Che Guevara.

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Édouard Manet et Berthe Morisot – une passion impressionniste

Le Docu du Week-End

 

BD de Michael le Galli et Marie Jaffredo
Glénat (2017), 56 p., one-shot.

couv_311648Comme sur son précédent album, Marie Jaffrédo propose une superbe couverture rehaussée d’un vernis sélectif sur les coquelicots et sur la quatrième, ainsi qu’un très joli design de titre. L’ouvrage comporte un cahier final de huit pages détaillant la vie de Manet, le Déjeuner sur l’herbe et son rôle avant-gardiste vis a vis du mouvement impressionniste à naître. Très riche cahier qui prolonge et explique l’album. Édition riche, du bon boulot.

Rochefort, 1884: Berth Morisot écrit à sa sœur et revient sur les quelques années passées en compagnie d’Edouard Manet, entre amour platonique, passion picturale et contrainte sociale. A travers cet épistolaire elle nous fait revivre des années marquantes pour l’histoire de la peinture.

Résultat de recherche d'images pour "edouard manet et berthe jaffredo"Pour qui ne connaît pas particulièrement la peinture le nom de Berthe Morisot ne dira rien. Il s’agit pourtant d’une des précurseur de l’impressionnisme (que l’on date du tableau de Monet Impression soleil levant en 1874) et comme pour beaucoup de femmes artistes l’histoire l’a gardée dans l’ombre quand les spécialistes la considèrent comme une artiste majeure. Cela ressort dans le scénario de cet étrange album, à la fois récit intime, histoire de la peinture, biographie, où le poids de la société, des conventions familiales se confrontent à l’envie de liberté et de casser les codes chez cette jeune bourgeoisie éclairée qui fréquente Zola, Beaudelaire, Fantin-Latour ou Jules Ferry. Comme le montrent les romans de l’époque les moyens confortables, l’influence des parents et l’absence de besoin de travailler permettent à ces jeunes personnes de se réunir souvent pour débattre, de prendre des cours de peintures et d’expérimenter. Et l’on comprend que sans cette bourgeoisie dotée de temps et de moyens la peinture moderne n’aurait sans doute jamais vue le jour. On parcourt ainsi au fil des séquences ouvertes par les lettres de Berthe à sa sœur (également peintre avant de se marier) les soirées mondaines, les ateliers de peinture et la campagne parisienne. Soucieux de pédagogie, Michael le Galli cite des noms connus et des évènements (l’affaire Dreyfus,…) afin d’aider le lecteur à saisir l’esprit du temps. Car la chronologie importe peu et l’objet de l’album est plus celui d’une atmosphère, superbement évoquée par les dessins tout en douceurs de la dessinatrice qui compensent une technique un peu figée par des textures et colorisation très agréables. Des journées qui passent sans soucis de vitesse en allers-retours entre les propriétés des notables.

Résultat de recherche d'images pour "edouard manet et berthe jaffredo"La relation entre les deux peintres est essentiellement artistique même si leur proximité intellectuelle va les pousser l’un vers l’autre. Berthe est amoureuse, d’abord de l’art, ensuite de l’homme qui, marié, se jouera d’elle. Il n’y a pas de méchant dans cette histoire où l’on devine la personnalité compliquée et incorruptible de celui qui fréquenta les futurs impressionnistes, les influencera en rompant comme Berthe avec les codes de la peinture académique (et s’attirera les foudres de la critique), mais refusera d’exposer avec les impressionnistes, comme prisonnier de son époque, sentant peut-être que cela appartiendra à un autre temps. La couverture reflète cet album fait d’élégance, de politesse bourgeoise et d’une vie artistique heurtée par une réception publique qui ne vint jamais. On nous présente une Berthe Morisot dans l’ombre du maître et c’est un peu dommage car si l’on apprend beaucoup de choses sur l’époque artistique (et les sœurs Morisot, toutes deux peintres exposant) le personnage, sans doute plus intéressant qu’un Manet déjà Résultat de recherche d'images pour "edouard manet et berthe jaffredo"largement étudié par ailleurs, aurait mérité plus d’attention du scénariste. L’on profite du reste de plein de petites scènes illustrant la petite histoire dans la grande, démystifiant ces grands noms en les faisant douter, essayer, renoncer (Berthe a finalement détruit une grande partie de ses premières œuvres). Et si les deux artistes se sont sans doute inter-influencés, l’album tourne beaucoup autour de Manet.

Je suis rarement friand de la BD biographique, de l’histoire de l’art ou reprenant les romans classiques. J’ai pourtant eu grand plaisir à plonger das une époque et une relation peu connue et à découvrir une dessinatrice efficace dans ce style « Glénat ». Album bien conçu et élégant de la couverture à la dernière page, il se déguste lentement et donne envie d’aller se renseigner sur les artistes et cette époque charnière qui a vu naître le monde artistique moderne.

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L’espion qui croyait

Le Docu du Week-End
BD John Hendrix
Steinkis (2019), 176 p. , one shot.

bsic journalismMerci aux éditions Steinkis pour cette découverte.


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L’ouvrage en format broché petit format avec couverture à rabat jouit d’une maquette et design très élégants qui participent beaucoup à sa réussite. En début de volume une introduction de l’auteur, en fin de volume des notes d’intention et précisions sur les recherches et la recherche d’authenticité. Une bibliographie fournie (comme toujours chez Steinkis, éditeur qui propose des ouvrages documentés), une photo de Dietrich Bonhoeffer, des notes et un index concluent l’ouvrage.

Dietrich Bonhoeffer, théologien allemand imprégné de morale et de foi, décida au vu des événements qui amenèrent les nazis au pouvoir et de la marche vers la guerre, d’incarner une Eglise active. Entre les préceptes non violents de la foi et la réalité de ce qu’il vivait il choisit de devenir espion et de participer à la conspiration qui devait assassiner Hitler…

Pour faire cette chronique je vais devoir aborder trois éléments de cet ouvrages qui m’ont mis en difficulté quand il s’est agi de déterminer s’il m’avait plu ou pas. Le premier est le sujet, ce qui m’a donné envie de le lire. L’auteur l’explique dans ses notes d’intentions, il a souhaité au travers de cette biographie (ou plutôt laudateur…) dresser un tableau didactique de la progression dramatique qui a mené l’une des nations les plus cultivées et puissante au sortir du XIX° siècle à l’apocalypse de la seconde guerre mondiale et au fascisme. Ce vecteur est le bon et l’originalité (le personnage est un pasteur) permet de sortir de sa zone de confort en découvrant le cheminement théologique et moral d’un homme qui a choisi de mettre sa vie au service de la foi et des hommes. Résultat de recherche d'images pour "hendrix the faithful spy"En bon laïcard que je suis je reconnais que ce n’est pas un sujet qui me passionne mais l’ouvrage de John Hendrix m’a permis d’effleurer des problématiques qui peuvent se poser aux croyants et d’apprendre le rôle dual qu’a joué l’Eglise d’Allemagne, l’institution se rangeant très facilement et volontiers sous la coupe du Fürher quand une partie des pasteurs s’organisait en une sorte d’église dissidente, une église de combat décidée de ne pas rester passive dans le drame des années 30-40. L’auteur ne donne pas de chiffres mais ce sont 7000 prêtres qui refusèrent ainsi les décisions les plus insupportables du régime concernant les juifs notamment. De même, l’itinéraire mental de Bonhoeffer, entre ses années dans la bourgeoisie allemande à sa révélation en Amérique face à la ségrégation raciale des noirs est intéressant.

Pourtant le verbe de l’auteur, totalement à la gloire de Dietrich Bonhoeffer, jusqu’à friser le ridicule par moments, m’a posé problème. Le ton hyper-didactique fonctionne lorsqu’il s’agit de raconter les événements plus ou moins connus (le coup d’Etat d’Hitler, la nuit de cristal, les jeux olympiques,…) mais sa passion pour ce personnage m’a laissé de marbre, d’autant que l’on sent assez fortement la voix du croyant derrière. Du coup un certain nombre de passage nous entraînent dans une rhétorique religieuse qui m’a dérangé. S’agissant d’une biographie ce n’est pas totalement aberrant de parler de foi pour un pasteur, mais pour qui ne crois pas la réflexion tombe à plat et crée une faille dans le récit…Résultat de recherche d'images pour "hendrix the faithful spy"

Le troisième élément est le graphisme, ou devrais-je dire plutôt le design, qui est lui vraiment réussi. Hendrix n’est pas le meilleur dessinateur du monde mais il sait dessiner des personnages et surtout sa mise en page très originale, par insertion d’éléments graphiques souvent symboliques (le Loup incarnant Hitler,…) qui aident la lecture un peu comme les documents d’un manuel d’Histoire. Du coup hormis les éléments cités plus haut l’album se lit facilement et est parfois passionnant car il arrive à synthétiser à la fois l’implication méconnue de ce personnage dans la résistance allemande et le déroulé que l’on a appris en cours d’Histoire. A ce titre si le sujet vous intéresse je vous encourage vivement à visionner le génial film de Brian Singer Walkyrie qui relate comme un film d’espionnage l’ultime tentative d’assassinat dans la Tanière du loup dont l’échec qui a abouti à la décapitation de cette résistance issue de l’Abwehre, le service d’espionnage de l’armée de l’amiral Canaris. On retrouve une grande partie de cette conspiration dans le livre et le rôle qu’y a joué Bonhoeffer.Résultat de recherche d'images pour "hendrix the faithful spy"

Selon que vous serez ou non sensibles à l’Histoire de la seconde guerre mondiale et au dilemme moral et religieux d’un homme le livre de John Hendrix vous parlera plus ou moins. Il reste au demeurant très bien conçu et mérite au moins par son originalité votre intérêt.

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Phoolan Devi, reine des bandits

Le Docu du Week-End

 

BD de Claire Fauvel
Casterman (2018), 224 p., one shot.

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Nouvelle fournée pour le PRIX M.O.T.T.S des médiathèques de l’ouest lyonnais, avec un extraordinaire récit de la véritable Phoolan Devi, assassinée en 2001. Le bel album Casterman grand format comporte une préface de l’autrice et quelques références « pour aller plus loin ». L’album est directement inspiré de l’autobiographie romancée de Phoolan Devi. Très belle couverture, l’une des plus belles de l’année dernière.

Dans l’Inde des années 70 Phoolan Devi naît fille dans une famille de basse caste. Dans cette société extraordinairement inégalitaire et patriarcale, les filles sont moins que rien. Phoolan est une révoltée. Mariée à 11 ans, violée à plusieurs reprises, elle prends le maquis, devient chef de bande, une Robin des bois féministe utilisant les mêmes armes violentes que ces hommes qui terrorisent femmes et pauvres. Elle finira députée. C’est cette histoire incroyable que nous propose de vivre Claire Fauvel.

Résultat de recherche d'images pour "phoolan devi fauvel"Sorti en même temps que l’extraordinaire Guarani, les enfants soldats du Paraguay (qui fait parti de mon top de l’an dernier), Phoolan Devi m’avait attiré par sa couverture très percutante avec notamment ce rouge puissant, le rouge du sang et de la liberté. La figure de Phoolan Devi est éminemment romantique et dramatique. Toute la première partie de l’album est difficile à lire tant elle nous plonge dans une société d’une injustice et d’une violence envers les femmes parfois insoutenable. Non que le graphisme de Claire Fauvel soit dur, tout au contraire, son trait et ses magnifiques couleurs sont agréables à regarder. Mais l’histoire de Phoolan est absolument tragique en ce qu’elle nous jette à la figure la dureté ultime lorsque cette fillette de 11 ans, ignare, d’une innocence absolue, est livrée à un homme de 30 ans, quittant pour la première fois sa famille et son village pour devenir esclave domestique et être violée… Dans cette société une fille n’a pas plus de valeur qu’un chien.

Résultat de recherche d'images pour "phoolan devi fauvel"Le récit est celui de Phoolan. Le regard qu’elle porte, adulte, emprisonnée après sa reddition, sur son paye, sa société, les hommes. C’est un récit éminemment féministe, un féminisme de guerre, de révolte concrète contre une injustice quotidienne insupportable et qui mène à la mort, comme ces femmes répudiées ou dont le mariage est cassé et qui n’ont plus pour solution que de se jeter dans un puits… Cette thématique rejoint d’ailleurs l’une des histoires du très intéressant projet Midnight tales chez Ankama. Après cette première partie rude on entre dans une histoire plus romantique, celle d’une jeune femme qui découvre tout à la fois la liberté, l’amour simple, celui d’un humain pour un autre humain avant même de comprendre ce que peut être l’attirance sexuelle. L’auteure touche à ce moment le cœur même de l’humanité et de l’inhumanité vécue par son personnage en ce que le simple fait de considérer l’autre pour ce qu’il est et non par son statut dégradé peut Résultat de recherche d'images pour "phoolan devi fauvel"changer un destin. Il n’y a pourtant pas de naïveté dans cet album qui nous montre la violence qu’a pratiqué Phoolan à l’encontre de ses agresseurs, de ces hommes dominants contre lesquels elle retourne la même inhumanité. Claire Fauvel ne condamne ni ne dénonce. Elle documente simplement une réalité, celle de la vie de Phoolan Devi qui jusque dans les dernières heures de négociations pour sa reddition sera victime de son inculture face à des adversaires sans foi ni loi pour maintenir l’ordre établi. En cela le combat de Phoolan Devi est bien un combat révolutionnaire, qui n’est jamais associé à celui de Gandhi mais qui pourrait le rejoindre tant il touche à des fondements de l’humanisme.

Visuellement le trait et le découpage simples mais très graphiques de Claire Fauvel font mouche. Il permet de traiter de scènes crues sans voyeurisme ni violence gratuite. On suggère suffisamment pour ne pas avoir à insister et cette délicatesse joue beaucoup dans la perception du lecteur qui peut voir l’inmontrable sans dégoût, Phoolan étant toujours montrée comme insoumise et accompagnant nos yeux dans une Inde de beaux paysages sauvages et de moments de beauté. C’est cette vision positive que je garde après avoir fermé ce très bel album qui mérite la réputation d’être l’un des plus beaux de 2018.

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Redbone

Le Docu du Week-End

 

BD Christian Staebler, Sonia Paoloni, Thibault Balahy
Steinkis (2019), 168 p., one shot.

bsic journalismMerci aux éditions Steinkis pour cette découverte.

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Ce gros volume fait l’objet d’une édition très soignée de Steinkis, avec papier épais, couverture reliée avec une belle couverture alléchante, interview de l’un des fondateurs du groupe, discographie exhaustive de Redbone, préface de la fille de Pat Vega et enfin une bibliographie. Pour être déraisonnable on aurait pu souhaiter un rappel historique de la lutte des native-americans pour mieux situer les événements relatés dans l’album mais sincèrement avec un tel contenu on peut dire que c’est du très bon boulot.

Redbone est le premier groupe de rock composé d’indiens d’Amérique et se revendiquant comme tel. C’est l’histoire de ce groupe, de la musique des années 60 et 70, de ses membres et de la lutte des indiens pour les droits civiques et la reconnaissance de leur culture qui est racontée dans ce livre.

Je n’avais jamais entendu parler de Redbone. Je connais un peu les grands moments de la lutte des indiens pour la défense de leur culture et la fin de l’oppression mais cet étrange album m’a permis de m’y intéresser plus avant en parvenant à mêler avec une étonnante souplesse la biographie familiale, l’histoire de la musique et l’histoire politique d’une Nation indienne opprimée depuis le XIX° siècle.

Résultat de recherche d'images pour "redbone balahy"Redbone ce sont d’abord les frères Pat et Lolly Vegas, indiens Hopis ayant grandi dans une réserve et familiers de la musique de par leur famille. Vivant la ségrégation dans leur chair lorsque Pat est envoyé comme nombre de ses congénères dans un orphelinat d’acculturation, ils choisissent très vite de tenter leur chance à Los Angeles, cité de tous les possibles où les groupes et les artistes naissent à chaque instant dans la foison de clubs qui existent alors. Leur histoire est pour beaucoup une success-story (ou du moins relatée comme telle) et c’est ce qui rend la lecture de la BD agréable. Fréquentant un milieu de musiciens, trouvant rapidement de très bons musiciens (dont on nous raconte aussi l’histoire, ils plaisent aux producteurs et arrivent très vite à sortir des disques, d’abord sous leurs noms puis après la formation de Redbone, après une rencontre décisive avec le jeune Jimmy Hendrix qui leur fait prendre conscience de l’importance d’assumer ses racines et de se battre pour l’égalité.

Résultat de recherche d'images pour "redbone histoire vraie d'un groupe de rock indien"Le groupe fréquente les plus grands, ayant pour producteur Robert Blackwell qui supervise Little Richards et Sam Cooke et faisant passer des auditions où ils doivent recaler un certain Jim Morrisson et ses comparses. Il y a sans doute un peu d’esbroufe de la part de Pat Vega lorsqu’il raconte l’anecdote à l’auteur de l’album, mais cela permet de nous replacer dans une période à la créativité incroyable. Enchaînant les disques sans discontinuer tout au long de la décennie 70 où ils font partie des groupes les plus réputés, se produisant devant la Reine d’Angleterre et trustant les charts dans plusieurs pays. Leur musique a été remise au goût du jour avec la bande originale du flm Marvel Les Gardiens de la Galaxie

La décennie 70 c’est aussi celle de la lutte pour les droits civiques et les actions de l’American Indian Movement (AIM), soutenu dès sa fondation par Redbone qui lui verse l’essentiel de ses premiers cachets. Après avoir dû se faire passer pour mexicains pendant leurs premières années, par peur des producteurs que le public blanc fuient leur musique, ils revendiquent fièrement leurs racines et participent aux actions Résultat de recherche d'images pour "redbone histoire vraie d'un groupe de rock indien"radicales de l’AIM comme l’occupation d’Alcatraz, celle de Wounded Knee (événement sur lequel ils firent une chanson qui sortit en Europe devant le refus des producteurs américains de cautionner un « appel au soulèvement ») où ils rencontrent des figures telles qu’Angela Davis.

Graphiquement l’album est assez simple, avec beaucoup de dialogues de visages dessinés, mais aussi quelques planches illustrant les événements historiques. J’ai beaucoup aimé les fausses couvertures de « Redbone comics » séparant le récit en parties, mais hormis cela, si le graphisme accompagne très bien la narration, ce n’est pas pour eux que l’on achètera l’ouvrage.

Très bonne surprise que ce Redbone, de celles qui nous font découvrir une histoire totalement ignorée, ouvrent notre horizon en sachant allier l’intime et des thématiques à la fois politiques et musicales. Ce que j’appelle un bon documentaire.

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