BD·Edition·Graphismes

Interview: Bones

L’excellente découverte de la série Dessous que j’ai chroniqué mercredi m’a donné envie d’en savoir plus sur la fabrication d’un album en crowdfunding et sur son auteur, Frederic Bonnelais alias Bones. Ce dernier a gentiment accepté de répondre à quelques questions.

Bonjour et bravo pour votre série Dessous, dont le tome 2 viens de sortir, trois ans après le premier volume. Pouvez-vous nous présenter le parcours artistique qui vous a amené à cette édition participative chez Sandawe?

Bonjour, tout d’abord merci pour l’invitation. Mon parcours artistique est assez récent car, même si je dessine depuis que je suis en âge de tenir un crayon, mes divers essais pour percer dans la BD durant des années n’ont pas étés concluants. Je me suis donc tourné comme beaucoup vers un boulot alimentaire. J’ai travaillé comme bibliothécaire, vendeur en grands magasins, agent de voyage… rien de bien passionnant.

C’est lors du licenciement massif pour délocalisation dans la dernière boite dans laquelle j’ai bossé que j’ai de nouveau saisi ma chance. En effet, ils offraient quelques heureux avantages ainsi qu’une formation au choix pour reconversion professionnelle.

Je me suis donc inscrit à l’école Jean Trubert, à l’époque la seule école de BD sur Paris. La formation s’est déroulée sur une année très intensive avec au bout, l’obtention d’un diplôme (qui dans ce métier ne veux pas dire grand chose cela dit…).

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Durant cette année il fallait bosser un projet personnel à présenter en fin de cycle… Un projet présenté devant un parterre de professionnel. C’est là que j’ai développé Dessous. J’ai donc eu ce fameux diplôme en présentant Dessous.

L’image contient peut-être : dessinEn sortant de l’école j’ai tout de même repris tout ce que j’avais dessiné pour le remanier car je n’en étais pas satisfait. C’est au bout de quelques mois que je me suis décidé à envoyer le dossier un peu partout… j’ai essuyé beaucoup de refus (quand on prenait la peine de me répondre) et deux réponse positive.

L’une d’elle ne payait pas, ou très peu, l’autre, celle de Patrick Pinchart m’en offrait plus à condition que le financement se fasse. J’ai donc choisi l’option financement participatif.

Le financement s’est bien déroulé, on a mis un peu moins d’un an pour récolter la somme et j’ai pu enfin commencer le bouquin. Il m’a fallu un an et demi pour le faire, c’est long je le sais… mais pour ma défense je suis au scénario, au dessin et à la couleur, j’ai les trois casquettes.

Dessous s’insère très fort dans l’univers du Mythe de Ctulhu et graphiquement celui de Mignola. Quand avez-vous découvert l’un et l’autre et qu’est-ce qui vous a donné envie de proposer votre propre histoire dans ce genre?

Pour ce qui est de Lovecraft cela vient des parties de jeu de rôle de mon adolescence, c’est un univers que je j’affectionne particulièrement contrairement à l’Heroic Fantasy qui me gonfle passablement.

J’ai découvert Mignola et beaucoup d’autres lors des premières éditions françaises d’Hellboy, ça collait vraiment à ce que j’aimais. En revanche si le graphisme de Mike me hante encore, il y a des choses qui m’ont marquées plus durablement comme La Ligue de Gentlemen extraordinaires de Moore et O’Neill et La Brigade Chimérique de Lehman et Gess.

La série est-elle prévue en 3 volumes dès l’origine?

J’ai pensé Dessous comme une trilogie dès le départ, mais c’était assez chaud de lancer le crowdfunding d’une série de trois tomes comme ça. J’ai donc fait en sorte que le premier tome puisse se lire seul. Quand nous avons constaté que le financement du premier tome marchait bien on a pu lancer la suite.

 

Votre style est très particulier. Travaillez-vous en numérique ou « à l’ancienne » et quelles sont vos influences graphiques ?

Je fais mes planches à l’ancienne, sur du lavis technique 300g, je les scan ensuite pour bosser la couleur sur photoshop.

Mes influences graphiques sont Mignola (évidement), Kevin O’ Neill, Miller, Gess, Andreas, Bonin… Il y en a d’autres mais ce serait long de tous les énumérer.

Story board / Planche definitive

Quelle a été la part de l’éditeur sur la fabrication ?

Chez Sandawe j’ai eu une liberté totale de conception, jamais Patrick n’est intervenu pour me faire retoucher, par exemple, le scénario ou changer la couverture. En revanche, une fois tous les éléments en main, ils font le boulot d’un éditeur normal. Les planches, la couverture et tout le matériel sont envoyés à des graphistes qui s’occupent de la mise en page avant impression.

Avez-vous d’autres projets et pensez-vous tenter l’aventure d’un éditeur plus classique ou cette formule crowdfunding vous convient-elle?

Dessous. : ...J’ai un projet avec un ami scénariste (toujours dans une veine comics) que nous aimerions placer chez un éditeur plus classique, oui. Non pas que je sois insatisfait de Sandawe. Ils sont tous adorables et abattent un travail monstrueux mais, c’est une petite structure, un petit éditeur et j’ai l’impression qu’ils ne sont pas pris au sérieux par la diffusion ou même certains libraires. Et puis, il faut avouer qu’animer le financement de ses bouquins durant des années est assez éreintant… J’aimerais donc voir comment ça se passe ailleurs.

Concernant les spécificités du Crowdfunding et se ses paliers, quels sont vos échanges avec les édinautes? Qui de vous ou de l’éditeur propose les bonus et à quel moment de la production les réalisez-vous?

Les échanges avec les édinautes sont bons et même plutôt sympas… j’en connais même pas mal « pour de vrai » maintenant.

Concernant les bonus, c’est un peu 50/50… certains sont proposés par l’éditeur, d’autres, comme le carnet de croquis ou le mini comics, sont des idées qui m’appartiennent.

La réalisation des contreparties se fait en parallèle à celle de l’album… du moins pour ma part car chacun fonctionne comme il le souhaite du moment que c’est fini à temps pour l’envoi des colis. Ça me fait penser que j’ai encore quatre dessins à réaliser et envoyer à des édinautes.

Le tome 3 est-il déjà avancé et avez-vous une idée de la période de sortie (Sandawe annonce la parution comme garantie)? Aura-t’il la même pagination?

Je n’en suis qu’à l’étape du storyboard qui devrait être terminé d’ici un mois et demi. L’album fera exactement le même nombre de pages et à ce stade je ne sais pas encore quand il sortira… Quelque part en 2020 très certainement. La parution était garantie une fois les 75% atteints, c’était une règle qui a maintenant disparue.L’image contient peut-être : texte

Enfin j’ai vu passer la couverture d’une histoire bonus sur Bär, en collaboration. Pouvez-vous nous en dire plus?

L’image contient peut-être : texteC’est l’une des contreparties. Cette toute petite histoire est axée sur l’Allemand Bär. Dedans on en sait un peu plus sur le pourquoi de son bras armé et d’où il connaît Andreas, en gros c’est une toute petite « origine story » qui fait prélude à La Montagne Des Morts.

Xavier Henrion est l’auteur de Toxic Boy (aussi sur Sandawe), série que je vous encourage à lire aussi, c’est bien barré! Il se trouve qu’on s’entend plutôt bien et que je voulais bosser avec lui. Je lui ai d’abord proposé un western post apocalyptique, sur lequel on est toujours, bien qu’il soit en stand-by. En attendant et en guise d’essai je lui ai demandé s’il voulait bien se charger de cette petite histoire et il a accepté. Le résultat est super intéressant et à des années lumière de ce que je fais, c’était tout l’intérêt de l’exercice et il s’en est tiré à merveille. Je me suis ensuite chargé des couleurs et de la mise en page du comics.

Ce petit bouquin a été tiré à très peu d’exemplaires, j’en aurai quelques-uns dans certains festivals, ça va partir très vite et il ne sera jamais réimprimé, du moins sous cette forme.

Merci beaucoup pour toutes ces informations et j’invite vivement les lecteurs à plonger dans cette trilogie d’horreur hautement graphique!

BD·Service Presse

Corto Maltese: La maison dorée de Samarkand

BD d’Hugo Pratt
Casterman (version couleur 2010)
Edition originale italienne NB 1980

cortomaltesenetb08Ce neuvième album de Corto Maltese l’emmène sur la piste du trésor de Cyrus et Alexandre, dans une quête mystique où il rencontrera moultes factions politiques et religieuses du début du XX° siècle ainsi que… son double Chevket!
Graphiquement Hugo Pratt à donné naissance à la fois à Tardi et Frank Miller, c’est dire son influence !
Le grand auteur nous emmène dans un récit pédagogique bourré de références historiques, littéraires et mythologiques et où la vraisemblance n’est pas la première préoccupation… car Corto est une BD érudite, intello dans le bon sens du terme en ce que Pratt sait associer l’exotisme à une certaine réflexion, notamment sur une époque fort guerrière et idéologique à laquelle le célèbre marin répond par un splendide détachement. On retrouve par moment l’onirisme de la série Guiseppe Bergman (réalisée avec Manara), notamment dans sa relation au lecteur et la rupture du quatrième mur. Une œuvre majeure, présentée ici dans sa version colorisée.

Critique publiée comme Super-lecteur sur le site Iznéo

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Fiche BDphile

****·East & West·Manga·Rétro

DNA 2

East and west

Manga de Masakazu Katsura
 Edition française par Tonkam (1993).

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L’édition Tonkam est au minimum syndical. Couverture plastifiée à rabat habituelle, papier épais type manga, maigres illustrations en fin de volume… Seul le dernier épisode contient des croquis et une interview de l’auteur et de son équipe.

L’histoire raconte le voyage temporel (à la mode Trunks dans Dragon Ball) de Karine Aoi afin d’éliminer dans son passé celui qui deviendra le « Méga Playboy » (se métamorphosant en mode super Sayan, encore une référence à l’oeuvre de Toriyama…), responsable de la surpopulation du futur en ayant donné naissance à 100 enfants porteurs du gène du Méga playboy… Divisée en 5 partie, l’intrigue suit les hésitations de l’héroïne, qui essaie de ne pas tomber amoureuse de ce super Don Juan irrésistible, et d’un triangle amoureux sur fonds de conspiration venue du futur. On est proche du manga de Lycée mais matiné de burlesque et de scènes d’action très bien menées.

Je reconnais que j’a50a2eb7d4e78179618b178e8d944509bi une petite tendresse pour ce titre et son auteur, le très mésestimé Masakazu Katsura, sans doute l’un des plus grands mangaka depuis longtemps (oui-oui, j’assume !). Sa technique est largement digne des Otomo et Shirow (mes deux idoles absolues du côté du pays du soleil levant) et ses thèmes sont probablement trop japonais pour avoir permis un succès mérité en occident. Pourtant ses manga ont en majorité été transposés en animé, ce qui facilite généralement la diffusion… bref.

DNA est une vraie histoire SF pour ado, mais totalement lisible par des adultes peu sourcilleux sur le sérieux et qui ne craignent pas l’humour « nipo-scato ». Comme son grand pote Akira Toriyama (en mode « Dr Slump » 5322mais aussi dans Dragon ball au cas ou vous auriez oublié!), Katsura est en effet grand amateur de situations grivoises et absurdes, n’hésitant pas à présenter des déesses graphiques pétomanes par exemple… Le dada de l’auteur ce sont les adolescentes bien en chair pour les traits desquelles il a une application remarquable ! Ses manga sont de véritables plaisirs des yeux et sa technique laisse souvent la bouche grande ouverte, que ce soit sur DNA ou ses autres séries, notamment le plus adulte et très impressionnant Zetman. Jeunes filles en fleur, super-héros en combi et humour douteux, c’est l’alchimie de Katzura, dont Glénat viens par ailleurs de nous offrir un très sympa recueil d’histoires courtes scénarisées par maître Akira Toriyama. Le duo y fait des étincelles (sans jamais se prendre au sérieux) pour notre plus grand plaisir.

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Fiche BDphile