*****·BD·Nouveau !

Le château des animaux (gazette) #7-10

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BD de Xavier Dorison et Felix Delep
Casterman (2022), 60p., gazettes 7, 8, 9, 10 correspondant au troisième tome « La nuit des Justes ».

Après la mise à mort du cruel n°1 par Silvio lui-même suivi des animaux, la lutte non-violente promue par Miss B et le sage Azelar a du plomb dans l’aile. Tiraillée entre sa fatigue morale, l’impatience de ses enfants et le bien lointain objectif de démocratie, Miss B semble prête à jeter l’éponge…

La Nuit des justes Tome 3 - Dernier livre de Xavier Dorison - Précommande &  date de sortie | fnacCela fait maintenant presque quatre ans que le talent du jeune Felix Delep a éclaté au monde de la BD dans cette magistrale adaptation libre du chef d’œuvre d’Orwell, La ferme des Animaux. Quatre ans que ce blog suit fidèlement la parution périodique en gazettes format A3 de l’une des séries les plus enthousiasmantes de la BD franco-belge, dirigée d’une main de maître par le rarement mauvais Xavier Dorison. Alors que le troisième album (sur 4) paraît aujourd’hui, il est temps de reprendre ce qui fait briller si haut ce Château des animaux.

En reprenant le terreau d’Orwell mais en changeant son habillage (les personnages, lieu, déroulement), Xavier Dorison réinterprète les fondements de la lutte non-violente pour faire choir les despotismes. Avec son propos résolument politique, cette série est plus que jamais d’actualité et fait office de manuel de désobéissance et de réveil démocratique alors que notre société s’habitue à voir disparaître lambeau après lambeau toute la sève d’une démocratie.

Avec une maîtrise de la progression scénaristique attendue, Dorison joue le chaud et le froid en rappelant la faiblesse des individus devant la menace, la force du collectif et les colosses aux pieds d’argile que sont la plupart des régimes dictatoriaux, menés principalement grâce à l’individualisme et au manque de courage des citoyens. Ainsi chaque fois que le dictateur, fort malin, contourne l’obstacle de la résistance Le château des animaux - Tome 3 - La Gazette du château - Xavier Dorison,  Félix Delep - broché, Livre tous les livres à la Fnacnon-violente il faut un nouvel argument du mentor Azelar pour redynamiser les troupes et rappeler que c’est en s’attaquant aux symboles que l’on élimine la tyrannie. Alors que les deux premiers tomes construisaient la lutte à partir de drames mobilisateurs, le combat se théorise désormais sur la marguerite, symbole de liberté, sur le collier à grelot symbole de soumission, alors que le nouveau chien numéro 1 s’avère bien plus subtile dans la confrontation. Et en bon maître du fascisme il évite sciemment de créer un nouveau martyre en jouant sur les jalousies pour diviser le groupe rebelle. Formellement cela s’incarne dans les gazettes par des tags contestataires gribouillés sur le journal du Régime de Silvio. Si les textes de ces journaux ne proposent pas la même riche prolongation que celles du Château des étoiles, ils participent à l’ambiance de l’intrigue.

La complexité des doutes est encore une fois parfaitement mise en image par un Delep qui se laisse savourer en grand format et dont les expressions procurent une vraie émotion. Parvenant à naviguer entre facéties disneyennes de ses animaux et le vrai drame qui se joue, il nous subjugue par ses décors et colorisation auxquels on ne s’habitue décidément pas.

Encore une fois je ne saurais que vous inviter à lire cette série majeure en grand format, en album si ce n’est en gazette (vous pouvez trouver les anciens volumes en occasion à prix correcte sur Chasseauxlivres ou Vinted). Une fiction qui allie le plaisir pur de la BD avec un bon coup de flashball pour réveiller sa conscience démocratique. Une thématique qui se prolonge dès samedi avec la conclusion de la magnifique série coréenne Intraitable qui rejoint les problématiques du Château autour des conflits salariaux et des syndicats de la grande distribution.

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****·Comics·Nouveau !·Rapidos

Scurry #3: la malédiction des ombres.

Comic de Mac Smith
Delcourt (2022), 96 p., 3/3 tomes parus.

Publication papier suite à la parution en webcomic.couv_448230

L’inondation a tout emporté et, désormais réunis, Pict et Wix sont sur le chemin du retour, alors que le complot dans la Colonie est en passe de basculer. C’est alors qu’une rencontre permet aux souris de comprendre l’origine de la disparition des humains et chaos ambiant…

ArtStation - Scurry book 3 ExcerptEn forme de montée en puissance on ne peut guère faire mieux! Après un premier tome de mise en place certes magnifique mais sommes toutes assez classique, une grande aventure aux accents mystiques dans le second, nous voici arrivé à la conclusion (temporaire) de cette très ambitieuse série qui confirme à la fois le rôle de formidable vivier créatif de la machine Disney et la qualité du comics indé pour proposer des histoires adultes à la croisée des genres. Le découpage par chapitres est d’abord un modèle du genre, d’une grande fluidité qui permet de lire l’album sans effort et dans un déroulé naturel. Chaque chapitre a son début, sa fin et enchaîne fort logiquement en se permettant en outre le luxe de conclure progressivement chacune des intrigues secondaires avant de prolonger sur un chapitre ultime loin d’être forcé comme c’est parfois le cas. A ce titre la conclusion est remarquable tout à la fois dans sa puissance graphique lors du combat final, dans son intelligence en jouant sans ridicule du courage de la petite souris confrontée aux loups. On sent la culture cinéma de l’auteur qui propose ce qui pourrait se rapprocher d’une version BD d’un vrai film en jouant ardemment sur les flous et effets d’optique, avec une grande réussite. Le cahier de croquis final permet d’ailleurs de voir l’intérêt des différentes couches posées sur des dessins 100% Disney et qui atténuent cette patte cartoon.

Scurry (tome 3) - (Mac Smith) - Drame [BDNET.COM]Ce tome est remarquable en ce que, maintenant tout le cadre posé, il peut alterner des séquences d’action qui n’ont rien à envier aux histoires d’humains, jouant sur les tonalités chromatiques comme sur les styles de batailles: duels contre la conjuration ou combat contre les bêtes géantes. De même Mac Smith décide d’expliciter l’origine du chaos dans une séquences narrée très impressionnante graphiquement. La majorité des post-apo se contentent de poser le contexte en laissant brumeuse la cause. Personnellement cela m’a toujours chagriné en considérant que cela affaiblissait le background. L’auteur utilise ainsi cette source comme possible explication à la communication entre animaux et l’étonnante intelligence des souris. Comme dans tout bon film on a donc droit à des trahisons, des chutes dramatiques du héros, des retours glorieux, des morts cruelles et des moments de tendresse. La galerie de personnage pléthorique permet de varier les plaisirs, de garder du rythme et fait de cette trilogie un must-read pour tout âge et un cadeau que l’on n’attendait pas.

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Scurry #2

Comic de Mac Smith

Delcourt (2022), 2/3 tomes parus.

Publication papier suite à la parution en webcomic.

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bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur fidélité.

Wix continue sa quête pour sauver son amie enlevée par un corbeau. Cela va l’emmener bien loin de sa zone de chasse. Confronté aux énormes bêtes sauvages qui renvoient les chats à l’état de gentille peluche, il va découvrir le royaume des Castors, îlot préservant la vie des petits rongeurs mais menacé par un poison invisible…

Si le premier épisode de cette sublime aventure animalière laissait un peu dans l’expectative, ce second clarifie tout de suite les choses: oui Mac Smith nous propose bien une grande aventure pleine de traîtres, de rois fous et de prédateurs géants qui vont demander tout l’héroïsme du monde à nous deux souris! Un peu sur la réserve dans son introduction engoncée dans les débats politiques et le huis-clos de la maison, l’auteur ouvre ici les vannes du grand périple, appuyé sur la carte du monde qui aide le lecteur à suivre le parcours des protagonistes. ALL-NEW X-MEN HS 2 : DEADPOOL V GAMBIT | UniversComics : Le Mag'Avec une intrigue simple et linéaire, Scurry vous mène sur des rails dont le vernis animalier sur un schéma de quête fantasy apporte une vraie originalité. Comme dit précédemment on reste dans une structure Disney mais débarrassé de ses atours enfantins. Ici les animaux sont inquiétants, féroces, on saigne et le monde vu à hauteur de souris est très très menaçant… Comme toujours la galerie de personnages structure le récit et son intérêt et en la matière l’album est fort généreux: horde de souris sauvages timbrées par-ci, colosse Orignal par-là, armée de castors rigoureux et faux-frère de Grimma langue de serpent dans l’antre du roi, on n’a pas le temps de souffler entre deux attaques de loups et de serpent. La fin du tome laisse espérer une once de fantastique alors que la quête de Wix se rapproche d’une quête arthurienne et on en redemande. Tant mieux, l’éditeur Delcourt a choisi de conclure la chose dès le mois prochain! Vive Scurry!

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BD en vrac #23: Raven #2 – Elecboy #2 – Sa majesté des Ours #2

La BD!

Attention, fournée de très grosses nouveautés avec les seconds volumes de séries qui font partie des plus grosses ventes BD, et trois artistes reconnus et dans la pleine maîtrise de leur art. Globalement les trois albums confirment les qualités et points faibles ressentis sur le premier volume. Le détail c’est par là:

  • Raven #2: les contrées infernales (Lauffray/Dargaud) – 2021, 62p./volume, 2/3 tomes parus.

couv_431658Le premier volume m’avait laissé mitigé de par le parti-pris d’un personnage rocambolesque d’anti-héros foireux, avec un dessin et des séquences qui faisaient la part belle à l’humour. Lauffray vise-t’il commercialement le très grand public ou sa fréquentation de Lupano lui a t’elle donné des envies de s’émanciper de son univers noir…?

Ce second tome de la trilogie enchaîne directement et va s’orienter vers une fuite de Raven, Darksee et ses sbires dans les tréfonds de l’île (aux jungles impénétrables et aux décors grandioses bien sur), jusque dans les entrailles du volcan, vers un trésor dont seul Raven sait s’il est réel ou chimérique… En parallèle aux évènements se déroulant dans le fort et la jeune femme et son fils au tempérament bien trempé, on est par moment pas loin du looney toones de par les cabrioles qui tirent plus vers les Pirates des Caraïbes que vers un réalisme à la Aguire. Perso j’aime bien la grande aventure irréel, pour peu que l’enchaînement et le rythme soient solides. Or ce tome confirme que Lauffray n’est pas Dorison et ses pages subissent un certain nombre de coupures sèches qui brisent le rythme de l’action et font hésiter dans sa lecture. Même si l’on voit où l’auteur veut nous emmener, le personnage de Raven n’est du reste pas particulièrement sympathique, du coup on consomme ce tome avec une forme de plaisir industriel propre au cinéma blockbuster mais on l’achève sans supplément d’âme, ni graphique ni scénaristique. Avec un peu le même sentiment que sur le UCC Dolorès de Tarquin, ces contrées infernales restent bien réalisées mais ne laisseront pas la trace indélébile que de précédentes réalisation de l’auteur de Long John Silver ont marquées dans l’histoire de la BD.

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  • Elecboy #2: révélations  (Salaün/Dargaud) – 2021, 62p., 2/4 volumes parus.

couv_431657Avec trois parutions cette année Jaouen Salaün est prolifique! Le premier tome de son Elecboy avait marqué les esprits en début d’année, notamment par une partition graphique franchement impressionnante bien qu’un peu monotone dans les atmosphères. Avec un trait et une colorisation réalistes appuyés sur un design fort réussi, son Mad Max mâtiné d’Oblivion avait à moitié convaincu du fait d’un frein très appuyé sur la progression et la révélation des secrets. On avance dans une totale continuité avec ce second opus puisque dans une même structure scénaristique on démarre très fort avec une belle séquence d’action SF autour d’un voyageur très puissant avant de dérouler les affres du héros et de ses pouvoirs cachés. Globalement tout y est pour nous accrocher, avec un abominable méchant, des relations familiales complexe, une SF ambigüe entre éléments très technologiques et un environnement tout à fait wastlands. Pourtant l’auteur continue d’appuyer sur le frein pour des raisons qui m’échappent, comme cette rencontre entre les anges et le héros, brutalement coupée avant qu’elle ne s’affiche… La force du hors champ peut être redoutablement efficace quand elle est utilisée avec parcimonie. Ici elle casse le rythme en nous frustrant tout le long dans notre envie de rentrer dans le vif du sujet. Salaün semble assumer ce faux rythme. Cela n’enlève pas les grandes qualités de cette série post-apo mais l’empêche malheureusement d’être un blockbuster immédiat. Frustrant je disais…

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  • Sa majesté des ours #2: nous tomberons ensemble (Vatine-Cassegrain-Dobbs/Comixburo) – 2021, série en cours.

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Merci aux éditions Comixburo pour leur confiance!

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Le premier volume de la nouvelle saga fantasy de Vatine et Cassegrain m’avait enthousiasmé en début d’année. On reprend directement après la dernière scène du précédent, alors que nos héros étaient enlevés par un Goliath éléphantesque soudainement arraché de sa roche… pour voir cette vision dantesque mise à bas immédiatement. On est un peu frustré de voir ce souffle mis sous l’étouffoir alors que la Fantasy est un genre exigeant de la démesure, de l’espace… et de la lumière. Et l’on retrouve le même problème d’éclairage des planches de Didier Cassegrain. Du coup, avec une intrigue qui se tourne vers une structure de one-shot avec la capture et l’affrontement d’un clan de crocodiles ce deuxième volume est un ton en dessous du précédent en se refermant sur des enjeux moins politiques et un terrain plus étroit. Notre héros recherche en effet ses amis avec l’aide d’une Léopard-sorcière sans aller bien loin dans sa quête et en nous donnant un peu l’impression d’un intermède (déjà?) dans la grande intrigue. Nous découvrons toutefois des informations sur l’humain et quelques passages chez les Ours font un peu avancer le schmilblick mais pas suffisamment pour maintenir l’enthousiasme initial. La difficulté permanente des tomes deux pour toute série… On savourera donc quand-même les jolies séquences d’action, les dialogues très bien tournés et tout de même les dessins du maître, en espérant un retour à l’épique dans le troisième volume.

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Ecoline

BD de Stephen Desberg et Teresa Martinez
Grand Angle (2021), 72p., one-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

couv_421378Esprit sensible, la chienne Ecoline se retrouve chassée de la ferme familiale où elle était destinée à devenir chien de garde. Réfugiée à Paris elle découvre l’univers des peintres de Montmartre et se découvre un talent artistique autant qu’une des facultés relationnelles. Mais lorsqu’elle tombe sur le redoutable chien policier Fédor son avenir s’assombrit…

Délaissant l’univers du thriller politique dans lequel il place la plupart de ses BD, le scénariste du Scorpion propose avec Ecoline un joli conte animalier dans le Paris impressionniste. Auteur chevronné, il nous fait suivre l’itinéraire de cette très sympathique chienne jaune chassée par son père car elle ne correspond pas aux critères voulus pour un chien de garde, au gré d’un récit en flashback plutôt efficace. Fin manieur de langue, Desberg alterne entre bulles de dialogues et phylactères narratifs très Ecoline, bd chez Bamboo de Desberg, Martinez Alanisélégants, qui participent à l’immersion dans ce Paris de carte postale. Les décors se situent à Montmartre, au Moulin rouge, ou sous la Tour Eiffel mais ne propose guère de croisement entre le monde des hommes et celui des animaux. Plutôt, le scénariste a choisi un univers parallèle, sorte de transposition classique à la mode Walt Disney. Sa dessinatrice colle d’ailleurs avec ce thème et propose quelques fort jolies planches avec cadrages recherchés. On saisit l’ambition de reproduire en BD l’effet impressionniste à la palette graphique, mais quelques petite défauts dans les tracés empêchent une immersion attendue. C’est dommage car la sublime illustration de couverture (qui part directement dans le top des plus belles couvertures de 2021!) et la maîtrise des couleurs laissait ambitionner un album sublime. Pour un premier album BD Teresa Martinez s’en sort cependant très bien et gageons que le public jeune auquel se destine principalement ce conte ne lui en tiendra pas rigueur. Le succès de l’album déterminera si one série est en train de naître. Le matériau le permettrait avec une jolie galerie de personnages et une héroïne fort réussie sur un thème original qui méritera d’être un peu poussé. Pour l’aspect immersion historique on pourra lui préférer la série des Violette, mais dans le champ de la jeunesse cette Ecoline ravira sans aucun doute les jeunes lecteurs!

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Love #5: le molosse

Le Docu du Week-End
BD de Frédéric Brrémaud et Federico Bertolucci
Glénat-Vent d’Ouest (2021), 88p., one-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

La série de documentaires animaliers Love est parue initialement chez Ankama de 2011 à 2015 avec quatre tomes: Le tigre, Le renard, Le lion, Les dinosaures. Cinq ans après la fin de la série Le molosse est le premier volume original chez le nouvel éditeur Vent d’Ouest, en simultané avec les autres tomes. L’album comprend un nouveau logo-titre et un superbe cahier graphique de cinq pages.

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Le molosse accompagne son maître parti chasser de bon matin dans le bush australien. Alors qu’il s’apprête à tirer un cerf, un redoutable serpent mort l’homme, le laissant inanimé. Que faire quand on est un chien domestique habitué à être nourri, désormais abandonné à son sort dans la nature hostile?

Lors de ma lecture des autres volumes dans la précédente édition j’avais été subjugué par la beauté des planches et la vie sauvage qui se déroulait sous nos yeux. Après un tome sur les dinosaures un peu forcé dans son aspect scénarisé, on retrouve avec ce Molosse un nouvel environnement original avec la richesse de l’Australie, continent aux espèces animalières endémiques qui fascinent presque autant que les sauriens du jurassique. Si la qualité du graphisme en couleurs directes de l’italien Bertolucci porte en grande partie l’intérêt de cette série, l’enchaînement calqué sur les montages des documentaires TV donne une dynamique très efficace qui nous fait passer d’un animal à un autre, proche ou non, parfois une seule fois, parfois en personnages récurrents. Bien entendu il n’y a aucun texte dans Love, donnant une grande importance aux expressions des animaux que la technique et l’observation du dessinateur rendent très vivantes.

Un peu surpris par l’apparition d’un humain en tout début de volume (permettant d’introduire cet élément scénaristique posant un animal domestique en pleine nature sauvage), on retrouve très vite la petite vie naturelle, faite de lenteurs, d’un soleil pesant – le travail sur l’ombre et la lumière est remarquable), d’irruptions de violences brèves,… Comme expliqué en quatrième de couverture comme note d’intention, dans la nature il n’y a pas d’amour ni de haine. Juste la vie et la sélection naturelle faite de force et de beaucoup de hasard. Le fil rouge (le chien) nous permet de voir cette meute de dingos qui le suit comme refusant son anormalité dans le règle naturel, mais aussi l’hypothèse de l’entraide avec ce petit ornithorynque qui semble s’attirer les faveurs des auteurs. Avec une lecture rapide, des cases larges et « seulement » 88 pages on est forcément frustré de voir si peu ces fantastiques kangourous, à peine apercevoir le koala et se contenter d’un croquis final pour le Kookaburra…

Magnifique série atypique, Love mérite tout votre intérêt, offrant un moment de lecture calme et passionnant comme toute observation simple de la vie.

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Tracnar & Faribol #1

Jeunesse

BD de Benoit du Peloux
Bamboo (2020), 86 p., one-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Bamboo pour leur confiance.

Une bien belle édition avec ce large format qui propose une impression de grand qualité avec un dessin crayonnés-aquarelle pas simple à rendre. Très joli logo-titre  avec un en-tête qui promet une série. Un très joli cahier graphique de 8 pages termine l’album. Un habillage général qui mets en appétit et mérite un Calvin.

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Il était une fois au royaume d’Arican, un roi tombé veuf sous les charmes de la belle Perfidy. Celle-ci captura l’âme de la jeune princesse Felicity à qui était promise la couronne. Voilà que tout était bien… jusqu’à ce qu’elle croise sur son chemin deux coquins, voleurs et bandits, le loup Tracnar et le renard Faribol, bien loin de se douter qu’ils allaient rien de moins que sauver le royaume…

Tracnar & Faribol (Vagabondage en contrées légendaires #1) • Benoît Du  PelouxLe ton est donné est connu: le campagnard Benoit de Peloux avait très envie de conter une aventure entre Perrault et Rabelais, au pays des rois et des reines mais aussi des brigands et des parleurs, des cuisiniers et des lingères. Mais ce n’est pas parce que tout ceci est familier qu’il est facile de le raconter à nouveau. Surtout, intéresser petits et grands comme l’ambitionne Peloux n’a rien d’évident. Et pourtant ce premier album d’une série qui va sans aucun doute se poursuivre au vu de sa qualité plaira au lecteur adulte comme aux jeunes.

Pour cela il y a d’abord les dessins, aquarelles sur crayonnés, superbes et précis tant dans les couleurs chatoyantes du château que dans la forêt enneigée et les terriers enracinés. L’auteur, habitué au dessin animalier sur les séries Zoé et Pataclop ou Triple Galop dans l’écurie Bamboo est parfaitement à l’aise avec les trombines caricaturales et grimaçantes de ses animaux anthropomorphes. La recette de Disney marche autant dans Blacksad qu’ici et la caractérisation animalière des tempéraments fait rire les adultes et comprendre rapidement aux enfants à qui ils ont affaire. Les aventures de Tracnar et Faribol donnent lieu bien entendu à moultes cabrioles, cascades et combats à coups de cruchons et de broche à cochons… Rabelais (ou Kaamelot!) n’est donc jamais loin tant les deux énergumènes recherchent plus la bonne pitance qu’un hypothétique trésor. Car les gens du peuple se contentent de peu et connaissent la valeur du concret…

30 Millions d'amis...la Bd Animalière / Tracnar et Faribol Vs. Richard au  pays des livres magiques - Conseils d'écoutes musicales pour Bandes  DessinéesLa bonne idée de Peloux repose sur cette fusion entre la princesse, jeune fille mal élevée et agaçante et Faribol, le renard peureux et malin. Par des péripéties que vous découvrirez la princesse se retrouve à parler par la voix du renard ce qui donne lieu à moultes quiproquos et situations décalées bien drôles. La progression dramatique est remarquable et la lecture se passe à une vitesse folle tant les séquences s’enchainent logiquement et avec fluidité, sans aucune faute de gout. Car outre la qualité technique et la bonne idée de faire se dérouler l’aventure en hiver (permettant ainsi une économie non négligeable de moyens pour créer des décors pourtant fort jolis), l’auteur propose un design remarquable tant dans les costules que dans le style des personnages. Encore une fois ce n’est pas parce que l’on croque un récit moyenâgeux que l’aspect général coule de source. Ici tout semble à la fois connu et original. Le trait léger y est sans doute pour beaucoup mais l’on a vu beaucoup d’autres histoires si proches de Walt Disney ou hésitant sur le réalisme. Le dessinateur est clairement à l’aise avec l’univers qu’il a créé et son envie transparaît dans le carnet graphique où il raconte les étapes de création, ses hésitations et ce qu’il faut s’attendre à trouver dans de prochains albums.

On sort de ce conte totalement enchanté, le sourire aux lèvres, les yeux caressés par ces si jolies planches et l’on n’a qu’une envie, de retourner dans le terrier de Faribol déguster un fumeux gigot…

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Love #2 #3 #4

La trouvaille+joaquim

BD de Brrémaud et Federico Bertolucci
Ankama (2011-2015), série terminée en 4 volumes. Epuisé.

bsic journalismMerci aux éditions Ankama pour cette découverte.

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J’avais lu le premier tome de la série, « Le tigre » qui m’avait fort emballé et donné très envie de lire les autres, intrigué notamment sur la capacité de renouvellement de ce concept fort simple. Je dois dire qu’il est vraiment dommage que cette incroyable série, d’un graphisme fou, à la maquette particulièrement soignée et totalement originale ne soit plus éditée… Le concept de ces « BD animalières  » est identique sur les quatre albums: nous suivons un animal dans ses déambulations utilitaires, rencontrer d’autres bêtes, être victime ou assister à des incidents naturels, croiser la multitude de créatures qui parsèment le règne animal, souvent dans la recherche de nourriture.

Image associée– Le renard (2012): le renard borgne se retrouve dans un paysage de neige à l’incroyable variété qui ressemble à un univers miniature: orques croisent ours bruns ou polaires, yacks, cormorans, baleines bleues et pingouins… J’ai un peu tiqué sur l’harmonie animalière en me demandant où pouvait bien se trouver ce coin volcanique rassemblant autant d’animaux si divers et à une telle concentration… La trame de l’album est donc celle d’une éruption cataclysmique devant laquelle ces créatures tentent d’échapper chacune par ses moyens. Love est avant tout une série d’albums de graphiste, qui se fait plaisir en trouvant des prétextes pour dessiner tel ou tel animal. Les séquences d’action sont un peu too much par moments mais l’on n’a pas le temps de réfléchir et l’on observe comme sur les autres volumes la permanence de la vie, cet enchevêtrement de bêtes de multiples tailles et préoccupations, qui ne s’aiment pas mais ne se détestent pas, qui cohabitent plus ou moins bien mais surtout se croisent, comme une cité humaine où mille vies se déroulent en simultané. Et toujours l’on alterne entre cruauté et tendresse. Le renard se conclut bien cette fois ci. Et toujours ces planches superbes de mise en scène, de couleurs et d’expressions.

Résultat de recherche d'images pour "bertolucci love"– Le lion (2014): le lion que nous suivons dans la savane est une sorte de sage, un témoin par lequel nous observons les chasses, attaques croisées, parfois réussies, parfois en échec mortel. Car la mort peut survenir à tout instant, entraînant quelques instants de compassion que l’on devine dans l’attitude de cette meute féline attendant la mort d’un de leurs congénères frappé par un sabot quelques heures plus tôt, avant de laisser la charogne aux hyènes. La loi de la Nature. Ce troisième tome est plus passif que les autres, moins scénarisé. L’on passe d’un coin à l’autre et au détour d’un plan un petit animal passe furtivement dans le champ avant de disparaître sans justification de son passage. Ici les auteurs mettent un soupçon d’anthropomorphisme dans ces lions qui jouent avec leurs petits, se mettent en colère et rigoleraient presque. Comme pour l’éruption du Renard, ce petit élément permet de distinguer l’album des autres mais casse un peu la rigueur documentaire. Difficile de se renouveler sans redondance. L’album est également plus cruel, montrant le côté dérisoire de la vie, avec une chute moins rose que le précédent. Le lion est pour moi le plus bancal, de par l’insertion de quelques idées qui n’ont pas vraiment leur place dans ce concept.

– Les dinosaures (2015): seul album un peu forcé de la série, petit caprice d’une envie de dessiner des dino (pour preuve le cahier graphique final, bien plus imposant que sur les autres volumes, qui montre la rigueur de la documentation), il nous fait suivre tout le long un petit dinosaure qui vit à l’ombre d’un gigantesque diplodocus, stratégie de survie assez efficace en ce qu’elle lui permet d’éviter les gros prédateurs qui évitent un tel mastodonte. Finalement l’on s’aperçoit qu’elles ne sont pas si nombreuses les BD qui nous montrent la vie quotidienne supposée des dinosaures et après un petit temps pour accepter la transposition du principe de documentaire animalier au jurassique l’on se prend à observer ces sauriens tous plus variés les uns que les autres. Je mettrais cependant un petit bémol sur les décors qui sont un peu arides et donc moins jolis. Le tout se finissant évidemment par une lueur apocalyptique dont nous devinons l’origine…

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