Salut les mangavores! (encore) un gros retard côté manga qui me permet de proposer aujourd’hui un billet spécial Ki-oon, un de mes éditeurs préférés qui ne sort pas que des cartons (le récent Lost Lad London m’a franchement laissé sur ma faim) mais dont la stratégie du peu mais bien leur permet autant de dénicher des pépites que tout simplement lancer des manga originaux qui confirment le statut de troisième marché au monde pour l’édition française de manga.
Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.
- Alpi the soul Sender #7 (Rona/Ki-oon) – 2022 (2019), 208p., série finie en 7 volumes.
On touche au but de cette très jolie série qui aura simplement péché par manque d’expérience et de construction d’une intrigue qui n’aura débuté que tardivement. Cet ultime épisode prend la forme d’une attaque finale sur le temple des soulsenders en mode Kaiju. La gestion de l’action manque parfois de lisibilité dans le mouvement mais l’ensemble reste très agréable et notamment sur les points forts du manga, les dessins des décors et des costumes. L’autrice a le mérite de refermer (un peu rapidement) les intrigues de fond (notamment l’histoire des parents) sans hésiter à aller dans le dramatique. Le volume en tant que tel est très honnête et l’on sent un vrai effort pour achever correctement le manga. Pour une première œuvre publiée en ligne on ne tiendra donc pas rigueur à Rona pour cette ambition modérée et cette progression au fil de l’eau. Alpi th soulsender restera une très belle lecture relativement courte, pas la plus impressionnante du catalogue Ki-oon mais très recommandable.
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- Clevatess #3 (Iwahara/Ki-oon) – 2022 (2020), 224p., 3/5 tomes parus.
- Clevatess #3 (Iwahara/Ki-oon) – 2022 (2020), 224p., 3/5 tomes parus.
Toujours très axé action ce volume voit Alicia lutter contre le redoutable chef des sorciers entouré d’une nuée d’insectes. L’absence de Clevatess (parti affronter l’armée de l’envahisseur Dorel) permet au personnage de l’héroïne de se développer en la sortant du contexte d’outil aux mains du démon qui prévalait depuis le premier volume. En parallèle se déroule la bataille à grande échelle entre les deux armées et la réaction de la princesse de Hiden lorsque la rumeur concernant la survie de l’enfant héritier du pouvoir des Hiden survient.
Ce qui est intéressant dans cette série c’est la constance de l’auteur à essayer de renverser les canons de la fantasy en questionnant ce qui est habituellement acquis. Ici la position des héros est rattachée par le peuple à celle de la noblesse d’Ancien Régime qui revendiquait une gloire de principe alors que la plèbe toute attachée à sa survie ne faisait que constater les effets des guerres sur leur quotidien. En rappelant ainsi que le nationalisme monarchique (ou héroïque) fut souvent imposé, le mangaka dresse une véritable analyse politique dans ce cadre dark-fantasy, qui apporte un vent de fraîcheur au-delà du retournement initial du récit fantasy qui voit le mal gagner. On avait compris jusqu’ici une problématique des liens entre humains et rois-démons (qui assument un rôle similaire aux rois des animaux ou Gaïa dans les récits écologiques type Miyazaki) pas aussi binaire qu’attendue et nous voici questionné au sein d’un monde humain qui aussitôt vaincu se remet en guerre les uns contre les autres.
Si le dessin très foisonnant est parfois un peu brouillon et les dialogues dans le standard manga c’est donc bien le déroulé et les rôles assumés par les personnages qui apportent une vraie originalité, faisant de ce titre un succès critique mérité. En espérant que le roi Clevatess (ici étonnamment mis en difficulté!) ne tombe pas dans une mièvrerie incohérente, si l’auteur assume l’esprit sombre qui recouvre le titre depuis le tome un on est parti pour une sacrée saga fort ambitieuse.
- Tsugumi project #5 (Ippatu/Ki-oon) – 2022, 208p., 5 tomes parus, série originale.
Depuis le dernier tome le rythme et le déroulement de la série ont fortement évolué en densité et en construction d’univers. L’impression d’une bascule dans une sorte de fantasy post-apo se confirme ici puisque nous voyons débarquer notre escouade mal assortie sur l’île où doit se trouver le centre de recherche, objectif de la mission de Léon. Comme au précédent épisode qui nous voyait découvrir la société des singes, nous voilà cette-fois projetés dans un monde d’hommes-oiseaux qui ont un lien très fort avec Tsugumi, l’occasion pour l’auteur de nous raconter sans temps mort la naissance de la jeune créature. On sent ainsi que l’on avance très fortement vers la conclusion de l’intrigue, ce qui n’empêche pas Ippatu de proposer des complications avec un héros très mal en point. Dans ce monde très hostile on n’oublie pas que le Japon radioactif reste une mission suicide, que nous avait fait oublier le ton farceur des relations avec Doudou. L’auteur avance donc étape par étape, avec une structure très carrée faite de rebondissements, d’intrigues politiques approfondies, de designs travaillés et spécifiques à chaque peuple et d’une dualité technologie d’avant/fantasy d’après qui ne cesse de surprendre. Ippatu aime de plus en plus son univers et nous régale de décors incroyables de finesse, si bien que l’on ne sait si les révélations majeures de ce tome indiquent que la fin est proche ou si l’envie de continuer à explorer son worldbuilding va inciter le mangaka à prolonger très loin l’aventure… Du tout bon et peut-être le meilleur volume depuis le début. Vite la suite!