Manga de Makoto Yukimura
Panini (2022), 1040 p., série terminée.
L’édition lue est la Perfect de 2022 (en 3 volumes) qui inclut outre les pages couleurs, des textes documentaires rédigés en lien avec le CNES. La série était auparavant parue en 4 volumes en 2002, puis en Deluxe (2011) qui correspond à cette Perfect. En 2015 une intégrale est parue, option la plus économique pour cette pagination.
En 2075 Hachi est récupérateur de débris spatiaux sur l’orbite terrestre. Ce métier hautement risqué est essentiel en cette période d’essor de l’humanité dans son environnement proche: installés sur la Lune comme sur Mars, les hommes projettent un premier voyage habité sur Jupiter. Tout à son rêve de grands espaces et inconfortable dans les relations humaines complexes, Hachi est décidé à intégrer l’élite qui formera ce premier équipage jupitérien…
Tout juste la vingtaine et diplômé d’une des plus prestigieuses universités des Beaux-arts du Japon, Makoto Yukimura publie avec Planètes sa première œuvre en quatre volumes et impressionne par la maturité de sa réflexion, de sa narration et la précision de son dessin. Avant d’enchaîner sur Vinland Saga qui vient de se terminer au vingt-sixième tome, le mangaka est dès sa première publication une des figures majeures de la BD japonaise, sur des années qui voient paraître un certain Eden, 20th century boys ou FMA…
Commençant sur les rails du film L’étoffe des héros qui ambitionnait de décrire l’entraînement des premiers astronautes américains, Planètes montre rapidement que le propos de l’auteur n’est pas un récit d’aventure mais bien une réflexion passionnante sur les relations humaines et la proximité immédiate de notre Terre, à la fois dans l’Espace et le Temps. Appartenant sans hésitation au genre de l’Anticipation, le manga est très efficace dans sa description réaliste des navettes des récupérateurs et jusqu’aux forces spatiales tentées comme sur le plancher des vaches de se lancer dans des folies martiales en orbite. Car tout au long de ces mille page flotte ce danger majeur qui semble avoir marqué Yukimura: le syndrome de Kessler. Que ce soient les actions terroristes dans la base lunaire permanente, les accidents en orbite terrestre ou la préparation du voyage vers Jupiter, les séquences narrant les rêves et les risques de la conquête spatiale sont passionnantes… et frustrantes.
Car très vite on comprend que le rythme du scénario est syncopé avec des flashback brutaux en revenant progressivement sur le passé des membres de l’équipage de Fée Carmichael, la très charismatique capitaine du vaisseau de nettoyage. Ainsi on saute fréquemment et sans prévenir du sol lunaire à la maison des parents sur Terre. Sans véritable guide narratif, il faut se laisser porter en toute confiance, comme un astronaute et son cordon ombilical, au fil de ces chapitres toujours immersifs et passionnants. Yukimura a un sens du rythme et un talent d’écriture qui explosent littéralement aux yeux du lecteur. Les joutes verbales sont nombreuses et il excelle autant dans les séquences introspectives, philosophiques et psychologiques que dans les vannes terriblement drôles. J’ai rarement autant rigolé dans un manga qui n’est pourtant pas du tout orienté comique.
Je parlais de frustration car si le décors est bien celui de la conquête spatiale prochaine, la focale du mangaka est sur ses personnages. Comme Hiroki Endo sur Eden il semble se laisser porter par ceux-ci sans plan précis et semble divaguer au fil de ses réflexions et de la vie que prennent ses acteurs sur la page. C’est perturbant mais terriblement accrocheur en donnant une densité très forte au cœur au manga. Sans lien évident entre les parties, le tout prend finalement un sens (ou des sens) en prenant du recul une fois la lecture achevée.
Remarquablement maîtrisé, non linéaire et passionnant à chaque instant, Planètes est l’œuvre d’un auteur à l’intelligence flagrante qui s’adresse à nos âmes autant qu’à nos yeux. Un grand auteur!
Je n’ai jamais été attiré par les mangas. Pourtant, on m’a offert celui-ci ce week-end !
Expérience intéressante, car c’est réellement mon premier.
En revanche, à la lecture de votre article, je sens que ça va être un peu ardu comme point d’entrée dans la BD nippone…
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Pas forcément. L’auteur a une narration assez proche ce la franco-belge je trouve et sur un format relativement court ça évite les dilutions des longues séries. Avec Hiroki Endo (Eden it’s an endless world) et Urasawa (Monster, 20th century boys), Yukimura fait part e de ces auteurs assez faciles a mon avis pour un lectorat de franco-belge.
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« Planètes » fait partie de ma gigaPAL. J’avais regardé les premiers épisodes de l’anime, mais je n’étais pas dans le mood et j’ai lâché l’affaire.
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C’est au final assez court. Perturbant dans l’absence de linéarité mais vraiment très chouette au final. Du coup ca me booste pour me remettre sur Vinland saga. J’espère que Kurokawa prépare une Perfect de ce dernier …
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Oui c’est un grand auteur, donc depeche toi de lire Vinland Saga, qui est quelque chose comme 10 level au-dessus !
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Je découvre a cette occasion que les années 2000 sont un petit âge d’or pour des très grands manga.
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Une œuvre magistrale, tu as raison !
J’avais peur de ne pas aimer avec ce côté légèrement contemplatif mais ce fut un quasi coup de coeur ❤️
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