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Saison brune 2.0

Le Docu du Week-End
BD de Philippe Squarzoni
Delcourt (2022), 264p. , n&b.

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bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur fidélité.

CaptureAlors que le réchauffement climatique nous explose à la figure, l’auteur de Saison Brune revient dix ans après pour une prolongation de son ouvrage lanceur d’alerte. Et ce billet a pour moi une valeur un peu sentimentale car il s’agissait d’un des tous premiers albums que je chroniquais en ouvrant le blog en 2018… L’auteur de la magistrale adaptation policière Homicide a fait quelque peu évoluer son trait vers une épure encrée. A la fois plus précises et plus poétiques que sur le premier tome, il reprend la technique qui a fait l’efficacité de son ouvrage en alternant les illustrations libres de concepts et les séquences d’interactions entre lui et sa fille à Lyon, pendant le confinement. On pourra noter que les précédentes interventions de spécialistes face caméra n’ont plus lieu ici, comme si le découvreur naïf de 2012 ne ressentait plus le besoin de s’appuyer sur ses pairs et pouvait expliciter les problématiques via les lectures références citées en fin d’ouvrage. Cette assurance permet aussi à l’ouvrage de maigrir puisque nous sommes désormais sur un format plus classique en documentaire (264 pages contre 480 sur le précédent).

L’ouvrage se concentre sur la fiction « greenwashing » d’innovations numériques proposées aux consommateurs et aux gouvernements du monde par les GAFAM comme une solution miracle à la problématique du réchauffement climatique, désormais incontestable. Lorsque le film d’Al Gore sort au cinéma les climatosceptiques sont nombreux. Aujourd’hui hormis les allumés trumpistes et promoteurs de réalité alternative tout le monde reconnaît l’ampleur de la crise. Mais le capitalisme fonctionnant sur la transformation permanente il tente de présenter une fiction d’une dématérialisation qui permettrait de ne plus ponctionner la planète tout en assouvissant l’appétit incessant et insatiable des consommateurs-citoyens pour les technologiques, internet et les loisirs. Ainsi plus de papier, plus de déplacements grâce au télétravail qui s’est démultiplié pendant la crise du COVID et une optimisation des performances productives. Dans cette image d’Epinal à laquelle on pourrait facilement ajouter les voitures électriques d’Elon Musk ou les nouvelles technologies nucléaires mises en avant par notre Président il n’y a pas matière à s’inquiéter puisque grâce à des investissements massifs et l’appui des Etats, ces entreprises du numériques résoudraient rapidement notre dépendance aux énergies carbones.

Capture1Le soucis, que démontre très précisément Squarzoni dans l’album) c’est que la consommation énergétique des technologies du numérique croit de façon exponentielle de même que la consommation d’appareils par les utilisateurs. Appareils miniaturisés qui nécessitent des quantités très importantes de matériaux essentiellement non recyclables et qui dépendent de serveurs informatiques et de câbles sous-marins tout à fait matériels qui eux-aussi polluent et sont très énergivores. Comme pour la voiture individuelle la question de la hausse des performances des équipements est loin de compenser la croissance de la production. Sans qu’il n’aborde frontalement l’aspect civilisationnel d’une société de décroissance on comprend très aisément à la lecture que c’est bien le principe de croissance capitalistique qui est en cause dans le pillage de la planète, pillage producteur de dérèglement climatique. Alors que nous sortons d’un été qui semble marquer le point de bascule vers une époque annoncée de chaos climatique très palpable les rappels de Philippe Squarzoni tombent particulièrement bien pour réveiller les consciences.

L’aspect autobiographique est marqué par les séquences de vie quotidienne sous confinement de l’auteur et sa fille à Lyon. Comme tout parent il discute avec son enfant de ce qu’il faut éviter, des responsabilités individuelles, des incohérences de chacun. En tant qu’artiste on imagine le poids important d’internet et de l’outil informatique au quotidien pour Squarzoni et le dilemme que cela crée. Etre conscient de notre action climaticide en regardant des films Netflix ou en se renseignant sur le net nous oblige t’il à cesser ces Captureactivités alors que ce sont les industries et les choix politiques qui sont de très loin les plus criminels dans la pollution de notre planète? Le pouvoir de citoyen-consommateur d’orienter les GAFAM en impactant leur chiffre d’affaire est-il suffisant? Dois-je me sanctionner pour les actions de ceux qui peuvent? Puis-je m’extraire de toute responsabilité de ce fait en regardant ailleurs? L’auteur de Saison brune 2.0 ne donne pas d’avis mais comme toujours questionne les consciences, convaincu que ces choix ne peuvent qu’être inviduels. Il est en revanche bien plus offensif qu’auparavant concernant le rôle des politiques publiques et le vote qui les déclenche.

Avec le talent pédagogique qu’on lui connaît et de belles séquences dessinées illustrant son propos, Philipe Squarzoni aborde brillamment la problématique majeure de la pollution numérique et des chimères de la Start-up Nation à l’heure du COVID. Il questionne nos actions, que chaque citoyen devrait évaluer sans culpabilité mais avec responsabilité, notamment chaque blogueur et utilisateur de réseaux sociaux dont les heures ne sont pas sans conséquences pour le climat. Des questions qui ne font pas plaisir, complexes, mais essentielles.

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