
Suite en 160 pages, avec Rio Youers au scénario et Tom Fowler au dessin. Parution en France chez Urban Comics Black Label le 14/10/22.


Merci aux éditions Urban pour leur confiance!
Pas la Tête à ça
L’an dernier, nous perdions presque la tête avec Basketful of heads, création de Joe Hill, que vous connaissez certainement déjà. Dans cette histoire macabre, la jeune June Branch devait, pour échapper à une bande de criminels sadiques évadés de prisons et à une floppée de notables corrompus, s’armer d’une hache viking maudite, dont le pouvoir est de transformer ses victimes, ou plutôt leurs têtes, en morts-vivants.
S’en suivait une nuit diablement sanglante, au cours de laquelle quelques têtes sont tombées. Finalement, June, après son massacre à la hache, jetait son arme maudite au fond de l’eau et partait sans se retourner. Un an plus tard, la vie à semble-t-il retrouvé son cours normal sur Brody Island. Les meurtres ont été collés sur le dos des fugitifs et June s’est faite oublier dans le New Jersey.

Pendant ce temps, un couple débarque sur l’île pour y passer quelques jours de vacances. Averti du danger que représentent le gang de motards qui écument les routes de Brody et le grand requin blanc qui sillonne ses côtes, Cal et Arlène sont étrangement détendus et s’apprêtent à faire du tourisme à la cool. Bien évidemment, leur route croisera bien vite celle des motards, qui sont à la recherche d’une certaine relique scandinave. Nous voilà donc repartis pour un petit jeu de massacre, et soyez prévenus, il va y avoir du swing !
Il est toujours délicat d’envisager une suite, et on peut même dire que la difficulté à la mettre sur pied est proportionnelle à la qualité du premier opus. Voyons donc ce qui caractérise une bonne suite, et si ces éléments se retrouvent dans notre réfrigérateur…
- Une ellipse ! Les meilleures suites laissent généralement le temps s’écouler depuis la fin du premier opus. En effet, reprendre tout de suite l’intrigue là où on l’a laissée laisse sous-entendre aux lecteurs/spectateurs que l’on a soit bâclé le premier opus en ne résolvant pas correctement toutes les intrigues, soit omis d’exploiter le sujet précédent au maximum. Une bonne suite n’a donc pas exactement pour but de rectifier des omissions, sinon elle gâche l’impact de l’original, d’où la nécessité d’une ellipse, pour signifier au lecteur qu’il s’agit d’une nouvelle histoire. Dans notre Refrigerator, nous avons une ellipse d’un an, ce qui est un délai plus que satisfaisant.
- Le changement, c’est maintenant ! Il est nécessaire, dans le cas d’une suite, d’offrir au lecteur quelque chose de nouveau dans l’intrigue, et de ne pas céder à la tentation de cloner l’original en espérant en reproduire le succès. Prenez le cas de Aliens, qui est la suite de Alien, le huitième passager. Là où l’original proposait un huis-clos angoissant et claustrophobe qui a défini les contours du film d’horreur, sa suite renversait la vapeur en proposant non plus un film d’horreur mais un film d’action, non plus un montre unique mais des dizaines, etc. On a aussi le cas de Terminator 2 (tiens, encore James Cameron), qui non content de proposer une ellipse de plusieurs années, change complètement la donne en faisant de l’antagoniste le nouveau héros de la saga. Dans notre cas, Refrigerator sort du cadre du simple slasher pour proposer davantage d’action, et propose même d’approfondir l’univers en dévoilant de nouvelles armes maudites.
- Plus d’enjeux ! Ce point est assez délicat, car augmenter les enjeux peut être mal interprété, et l’auteur peut aisément céder à la tentation du « toujours plus ». Reprenons l’exemple de Terminator 2, si ça ne vous fait rien. Dans le premier, il s’agit de survie, Sarah Connor doit échapper au cyborg éponyme afin de garantir un avenir à sa progéniture messianique. Dans le 2, en revanche, il ne s’agit pas simplement de survie, mais bel et bien d’empêcher l’apocalypse, ce qui fait monter la barre d’un cran en terme d’échelle. On peut dire que les enjeux sont augmentés dans Refrigerator, car il ne s’agit pas seulement de la survie de June, mais aussi de la nécessité de ne pas laisser les armes maudites tomber entre de mauvaises mains.
- Du neuf ! Introduire des nouveaux personnages, voire remplacer le protagoniste, peut être un parti pris salvateur dans le cas d’une suite. D’une part, cela permet d’apporter de nouvelles tensions dramatiques, tout en marquant une césure avec l’original, puis cela à l’avantage d’éviter la redondance, si jamais tout a déjà été dit avec le premier protagoniste. Bingo, dans notre cas, June est mise en arrière-plan pour céder la place à deux nouveaux héros, Cal et Arlene.

Vous l’aurez saisi, Refrigerator est une suite pertinente à Basketful. En revanche, la partie graphique ne démérite pas mais j’ai personnellement préféré la prestation de Leomacs sur le premier volume. Les dessins de Tom Folwer, déjà aperçu sur Hulk Saison Un, Venom, ou encore Quantum & Woody (chez Bliss Comics), sont plus baroques et parfois moins lisibles, rappelant parfois le style de Neal Adams, ce qui pourrait ne pas plaire à tous les amateurs de styles épurés.
En conclusion, si vous aimez les comédies horrifiques déjantées et les hommages aux classiques des années 80, et si vous aviez apprécié Basketful of heads, alors vous pouvez vous en servir une dans le Réfrigérateur.