
Histoire complète en 140 pages, écrite par Warren Ellis et dessinée par Jason Howard. Parution en France chez Urban Comics Indies le 28/08/2021.

Independence Day
Michael Blackburn est en fâcheuse posture. Nu et ligoté dans une sordide salle d’interrogatoire, il attend un officier censé le torturer en vue d’obtenir des informations. Ce que veut savoir l’officier ? Qui est Mike, pour commencer, d’où il vient et ce qu’il veut.
Car il apparaît très clairement que Mike Blackburn ne vient pas de la même planète. Il est venu en éclaireur du vieux monde, la Terre, pour explorer la colonie et rendre compte à ses supérieurs. Car les colons, partis en 1920, ont réalisé leur projet en secret, et voient d’un mauvais œil une possible ingérence terrienne dans leurs affaires.
D’autant plus si l’on considère le fait que ce monde est gouverné par un régime totalitaire, dirigé par le Président Barrow, qui sera prêt à tout pour protéger ce qu’il considère comme son utopie personnelle. Durant sa fuite, Blackburn fera la rencontre de Grace Moody, une rebelle emprisonnée pour meurtre, avec laquelle il devra faire équipe s’il veut quitter vivant ce monde de fous. Mais le veut-il vraiment ?
This is a bad’s world
Warren Ellis est désormais un nom reconnu dans l’industrie du comic book. Auteur de nombreux succès, comme The Authority, Black Summer, Supergod, No Hero, Injection, Iron Man Extremis, Transmetropolitan, Nextwave, Planetary, … la liste est longue, et montre bien son caractère prolifique. Son style est notoirement décompressé, préférant des pages à quatre ou cinq cases, là où des avant-gardistes comme Alan Moore privilégiaient le gaufrier à neuf cases. Ses histoires sont généralement iconoclastes, violentes et…violentes.

Ici, la violence est bien présente, bien que légèrement édulcorée. Hormis quelques headshots, c’est généralement l’action qui prime, au rythme effréné des courses poursuites qui ponctuent les sept chapitres de l’album. La lecture nous donne une forte impression de Mad Max Fury Road, avec cette sensation d’une course-poursuite ininterrompue de 140 pages. On sent néanmoins que l’auteur a tenu à marquer des pauses syndicales, histoire d’implémenter quelques éléments de background ou bien développer la relation entre Mike et Grace.
A ce sujet, leur dynamique, bien que dulcifiée par quelques punchlines bien senties, demeure finalement assez plate tout au long de l’album: ils se rencontrent, fuient la captivité, et progressent ensuite de façon linéaire jusqu’à la fin. Grace remet en question les motivations de Mike, et ses pulsions morbides, certes, mais la relation en elle-même est plutôt statique.
Pour le reste, la prémisse de base, qu’une colonie spatiale tente de conserver le secret de son existence en tentant d’arrêter un espion infiltré, est très intéressante, mais finalement, exécutée pauvrement. N’aurait-il pas été plus intéressant pour Mike d’être confronté à un dilemme ? En effet, ce dernier se contente d’échapper à ses poursuivants, puis, vers le dernier tiers de l’album, fait une découverte sur les agissements plus que discutables du Président Barrow. Cela rend sa mission unidimensionnelle, et à aucun moment, le héros ne remet en question l’opportunité de la mener à bien. « C’est une planète de méchants. Point ». Quid du peuple en lui-même ? N’y aurait-il pas intérêt à suggérer une rébellion, ou quelque chose qui permettrait aux autochtones de se défaire du joug de Barrow tout en préservant la souveraineté de la colonie ?
Il en va de même pour le protagoniste en lui-même, dont on apprend qu’après avoir perdu tous ceux qu’il aimait, à développé une méchante envie de mourir au combat. Il y a aurait alors eu plus de sens à cette aventure si elle lui avait redonné le goût de vivre, mais Ellis se contente malheureusement d’un acte de bravoure qui, bien qu’il ouvre des pistes pour une suite potentielle, tombe quelque peu à plat.
Bref, un peu de nuance n’aurait pas fait de mal à cette histoire, qui se résume finalement à des courses poursuites et pas mal d’explosions, sans que le fond, pourtant intéressant, ne soit réellement exploité.
Côté graphique, Jason Howard, que l’on avait vu précédemment sur Big Girls, s’amuse visiblement comme un petit fou avec tous ces véhicules et cascades improbables, grâce à son trait expressif et dynamique.