
Manga de Makoto Yukimura
Kurokawa (2005- ), env. 220p. par volume.
23/23 volumes parus en France
Un anime est diffusé depuis 2019 sur Amazon Prime.
A l’approche de l’an mille, le jeune Thorfinn, treize ans, s’enrôle dans l’armée viking d’Askeladd, parti conquérir l’Angleterre pour le roi du Danemark. Assassin redoutable, il a pour seul objectif que d’affronter en duel et tuer le chef de guerre qui assassina son père quelques années plus tôt. Alors que le sang de la guerre rougit les terres des Saxons, c’est une relations bien étrange qui s’installe entre le vengeur et le chef Askeladd…
J’ai mis un premier pied dans la saga de Thorfinn lors des opérations découverte proposées par des éditeurs de manga pendant le confinement. Et voici donc la suite de ma découverte de cette série manga très réputée… Les principales qualités de l’œuvre de Makoto Yukimura sont la passion et le sérieux documentaire de l’auteur qui transpire par toutes les planches et les précisions cartographiques ou annotations qui parsèment les volumes. Si les trois volumes chroniqués dans ce billet sont assez différents, comme pour le premier, on nous apprend énoemément de choses sur l’époque, l’histoire très peu connue de cette guerre de conquête à la croisée entre deux époques, les réminiscences païennes et barbares de l’Empire romain et l’émergence d’une Chrétienté européenne. L’idée n’est pas de produire une série documentaire mais d’appuyer, de densifier un récit guerrier qui pourrait devenir redondant sans ce fonds résolument original.
Le volume 2 conclut tout d’abord l’arc introductif sur l’enfance de Thorfinn et l’origine de son désir de vengeance. On suit ainsi son père, gigantesque guerrier que l’arrivée d’une famille a fait prendre conscience de la futilité d’une vie guerrière et qui en est devenu non-violent. Ces deux volumes originels sont essentiels pour comprendre le propos de l’auteur qui met en scène (de façon assez soft il faut le reconnaître au vu des mœurs réelles des peuples vikings…) des guerriers redoutables en nous questionnant à intervalles réguliers sur le sens de tout cela. Le respect d’Askeladd pour ce père le pousse à respecter son engagement à affronter régulièrement cet enfant en sachant qu’un beau jour il y perdra la vie. La séquence d’affrontement entre les deux hommes est mémorable et donne très envie de poursuivre!
Dans le troisième tome, transplanté en pleine conquête anglaise, on découvre le magnifique personnage de Thorkell, géant surpuissant et éternellement rigolard qui pimente les stratégies machiavéliques d’Askeladd en choisissant de passer à l’ennemi. Les affrontements entre Thorfinn et le géant vont se poursuivre sur plusieurs tomes avec une grande maestria graphique. Le jeune vengeur reste assez en retrait sur ces trois volumes dédiés plutôt à la stratégie et aux scènes de rencontres avec les villageois. Graphiquement on est toujours très haut dans les décors mais les personnages assez simples brisent un peu ce réalisme et installent un humour destiné à alléger la lourdeur d’un sujet sommes toutes très violent…
Le volume 4 est un peu moins intéressant puisqu’il est pratiquement dénué de séquences d’action et de bataille pour se focaliser sur la cartographie des opérations et les stratégies d’Askeladd pour échapper à Thorkell en négociant un passage sur de petits royaumes du Pays de Galles en emmenant le jeune prince héritier pour son propre intérêt. On commence à en apprendre un peu plus sur ce chef de guerre jusqu’ici présenté comme redoutable mais totalement dénué de valeurs morales et qui s’avère finalement plus complexe que cela.
A la sortie de ces trois volumes on est bien pris dans un rythme relativement lent et cette alliance d’humour posé sur les commentaires débiles des soldats, d’enjeux politiques complexe et du quotidien d’une armée en campagne et d’une époque mouvante où religions, royaumes et culture étaient très mouvants. La violence du peuple viking est un cachée sous un voile pudique mais cela permet de ne pas se confiner dans l’ultraviolence qu’une histoire de guerres médiévales montrerait inévitablement. Petite frustration en revanche de voir l’affrontement entre Askeladd et Thorfinn géré au long court avec donc un héros assez peu présent (et relativement stoïque). Légère baisse de régime donc entre le premier diptyque et les deux suivants. J’espère que l’auteur va remettre du peps par la suite dans cette série pour l’instant franchement agréable à suivre.