BD de Zidrou et Oriol
Dargaud (2017), 62 p.
Album au format large et à la pagination relativement importante, doté d’une postface de Roser Domenech, professeur d’histoire de l’art en catalogne et spécialiste du peintre Vidal Balaguer. L’éditeur a doté l’album d’une couverture toilée sur l’édition grand public. Très belle édition assez classieuse et qui renforce l’album.
Barcelone, 1930, atelier du peintre Joaquim Mir. Le vieil homme raconte à son jeune modèle l’étrange histoire de son ami, le peintre maudit Vidal Balaguer, l’un des plus talentueux membres de la Colla del Safra, un groupe d’artistes catalans. Une histoire liée à une toile et à sa muse disparue de façon mystérieuse…
Pour leur troisième collaboration Zidrou et Oriol (illustrateur espagnol dont le vrai nom est Hernández Sánchez) nous font entrer dans le monde de la peinture espagnole, au travers d’une histoire sur un mode policier teinté de fantastique. L’envie des auteurs était de rendre hommage à ce peintre inconnu à qui le postfacier tente de redonner ses lettre de noblesse en organisant des expositions. Le texte de cet historien de l’art est très intéressant et l’on y apprend qu’un certain Pablo Picasso avait déjà repéré Balaguer… Zidrou (dont je découvre progressivement la bdgraphie) construit le récit en une court enquête sur la disparition de la muse que l’on peut voir en couverture: Balaguer l’aurait-il tué, comme il aurait fait disparaître d’autres personnes apparaissant sur ses peintures? Sous ce prétexte l’album nous introduit dans le milieu artistique de Barcelone à la fin du XIX° siècle. L’on a maintenant l’habitude de parcourir Montmartre dans des BD françaises, parfois aussi le milieu artistique américain, plus rarement l’espagnol. C’est chose faite et si ce n’est pas véritablement révolutionnaire, l’immersion picturale (grâce au trait et aux couleurs incroyables d’Oriol qui fait un travail impressionnant pour coller au style impressionniste) de l’album est fascinante. L’on a réellement le sentiment de pénétrer des peintures de l’époque et l’illustrateur espagnol intègre des productions originales du peintre afin de pousser encore plus loin l’entrelacement.
Intéressé par cette histoire de peintre méconnu j’ai cherché quelques informations, d’abord sur les sites de BD, puis plus largement. L’absence de références au peintre m’a intrigué, alors j’ai poussé un peu… jusqu’à découvrir le fin mot de l’histoire. Non ce n’est pas un spoil (la BD reste vraiment excellente et se savoure pour elle-même), mais Victor Balaguer n’a jamais existé et ses peintures sont d’Oriol lui-même! L’espagnol souhaitait faire une BD rendant hommage au (vrai) peintre Joaquim Mir, peu connu en France et a proposé cette mystification à Zidrou. Les deux compères se sont alors associé à un vrai galeriste et un vrai chercheur espagnols pour pousser le projet. Ainsi une vraie exposition a vu le jour avec de vraies-fausses toiles de Balaguer, crées par Oriol. C’est un site espagnol qui vend la mèche et j’avoue que cette histoire m’a totalement bluffé. C’est la première fois que je vois un tel montage en BD et l’album mérite d’être lu rien que pour cela mais absolument pas que!
Natures Mortes est une grande réussite, d’abord graphique, qui nous régale et m’a fait découvrir (encore… 🙂 un grand dessinateur espagnol dont l’album Les trois fruits m’intéresse beaucoup et que je vais lire dès que possible. L’album est également très poétique, avec ce personnage qui doute de sa réalité et qui nous fait voir encore une fois que le talent va souvent avec une inadaptation. La création est personnelle mais doit être vendue pour vivre, dilemme que connaissent tout les peintres. Balaguer refuse cela et se retrouver alors enfermé dans sa peinture au propre comme au figuré. Enfin, l’idée de l’enquête ajoute un piment qui fait dévorer les 60 pages bien trop vite. Et nous fait regretter que la base de l’histoire soit finalement fictive car l’on aurait aimé en apprendre plus sur ce peintre…
Cet article fait partie de la sélection de, cette semaine hébergée chez Moka.
Je n’aimais pas la couverture, mais l’histoire me tente bien et les illustrations intérieures aussi en fait…
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Cet album a l’air particulièrement original. Merci pour la découverte ! Au plaisir de te relire…
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Il est sur mes étagères depuis sa sortie celui-là, il attend sagement que je m’occupe de son cas.
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Très jolie chronique pour une superbe BD ! Bravo !
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Très beau billet ! Et une de plus ici aussi…
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Les dessins et peintures me plaisent, alors je note (et un de plus, un ! )…
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Un album que j’ai adoré lire, relire, feuilleter. Un vrai plaisir pour les yeux et une merveille côté récit ! Un coup de coeur de 2017.
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Il est dans ma PAL cet album, « à cause » de la blogo… et ce n’est pas ta chronique qui va me l’en faire retirer 🙂
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je l’avais déjà notée, tu enfonces le clou !
Très bonne année 2018 ❤
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Cette BD fut un régal et merci pour le récit de ton investigation, c’était très intéressant.
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J’ai été très surpris de ne voir aucune référence à cette mystification sur aucun blog BD pro ou amateur. Pourtant cette affaire de peintre caché était étrange!
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